Elle compte six yeux et six oreilles; renifle les imperfections de la chaussée et dégage des odeurs. Cela doit forcément faire d'elle un monstre. Et pourtant, la Classe S - la septième du nom - dévoilée en avant-première mondiale mercredi dernier, à Hambourg, n'a rien d'une bête imaginaire. Pourtant, moi, elle me fait peur: elle se conduit - presque - toute seule.

Cette Classe S que Mercedes fera descendre dans la rue d'ici la fin de l'année marque sans doute l'une des toutes dernières étapes avant la création d'une automobile offrant une conduite entièrement assistée. Plusieurs constructeurs y travaillent, mais Mercedes est le premier à l'intégrer à un véhicule de série. En d'autres mots, cette Classe S nous annonce - à tous - que notre présence derrière le volant ne sera bientôt plus requise.

Le moustachu président et chef de la direction de Daimler-Benz, Dieter Zetsche, ne partage naturellement pas ce point de vue. Il estime au contraire que le dispositif Stop&Go Pilot mis au point par son groupe se charge de la partie inintéressante de la conduite automobile: les embouteillages. L'idée a du bon, d'autant plus que ce nouvel assistant pourrait contribuer à réduire considérablement les risques d'accidents et d'accrochages à basse vitesse. Une véritable obsession chez la marque à l'étoile qui, pour la Classe S seulement, a déposé 2200 brevets, dont le tiers touche uniquement la sécurité.

Reliée au régulateur de vitesse adaptatif et à l'assistant directionnel, la dernière avancée du constructeur allemand nous relève de nos responsabilités dans les embouteillages et la circulation en accordéon. Attention, plusieurs conditions doivent être réunies, toutefois. Les lignes de la chaussée doivent notamment être visibles et réfléchissantes et la vitesse ne doit pas excéder 30 km/h.

Ce n'est pas parce qu'on peut faire sans que ce ne soit pas mieux avec. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si ce dévoilement s'est déroulé sur l'un des lieux de construction de la firme Airbus et qu'un A380 se trouvait en arrière-plan de cette Mercedes. Le constructeur applique en effet la même démarche que l'avionneur européen.

Si moins d'avions s'écrasent aujourd'hui, on le doit au pilotage automatique. La même logique s'appliquera à la Classe S, pense-t-on chez Mercedes. Et, si les pilotes d'avion sont capables de ne pas être «déresponsabilisés» par leurs «coucous», les automobilistes devraient pouvoir apprendre à en faire de même. Cela reste à voir, évidemment, car les automobilistes sont loin de bénéficier de la même formation que les pilotes.

Parce que le progrès n'a jamais fait marche arrière, voilà où nous en sommes et il faudra apprendre à vivre avec une voiture de plus en plus intelligente. Que les amateurs de conduite se rassurent: le principal neurone de son «cerveau» demeure et demeurera encore longtemps son conducteur. Il pourra pallier de plus en plus ses erreurs en comptant sur la technique. Mais la voiture ne conduira pas à sa place. L'«intelligence» reste donc assise au volant! Pour combien de temps encore? Encore 20 ans, pensent les spécialistes.