Comment l'entrée en vigueur de nouvelles normes de sécurité détruit parfois le design et rend nos véhicules moins sûrs.

Avant même de tracer le premier trait, le styliste automobile doit avoir assimilé le cahier de charges à la fois très précis et complexe préparé par les ingénieurs et les responsables de la commercialisation. On y trouve, par exemple, les dimensions du véhicule, les composants qui l'habiteront et les évolutions techniques qui lui seront apportées au cours de sa vie utile. Il doit également tenir compte de la réglementation et des exigences des marchés où ce véhicule sera distribué, ce qui représente, à la limite, un frein à sa créativité. Ainsi, la protection des piétons a non seulement entraîné un changement de la partie avant de nos autos, mais aussi dicté l'usage de matériaux plus souples. Un véritable casse-tête. En fait, comment créer une forme qui protège aussi bien les enfants que les adultes?

Vous comprendrez que de satisfaire à cette seule exigence a eu des répercussions sur l'ensemble du design automobile. On a dû, par exemple, surélever le capot pour que les points "durs" qui se trouvent sous celui-ci ne blessent pas la tête du promeneur. Mais cette transformation en a amené une autre et une autre et une autre encore. Pour rétablir les proportions - sans quoi nos véhicules circuleraient tous avec «un petit nez en l'air» -, il a fallu retoucher la hauteur de la ceinture de caisse et, ce faisant, il a fallu inévitablement rehausser l'assise des sièges. Afin de préserver le dégagement pour la tête, la ligne de toit doit être haussée également. Ce règlement a aussi entraîné une augmentation de la circonférence des puits de roue, ce qui a forcé, en quelque sorte, l'usage de jantes de plus fort diamètre. Voilà en résumé l'impact de ce seul règlement. Et il y en a d'autres.

La décision des autorités américaines de renforcer ces normes de protection en cas de renversement (ou de capotage, si vous préférez) représente une autre contrainte et conduira inévitablement au retrait de ces carrosseries - souvent les plus stylisées - dépourvues d'une traverse centrale. Non seulement les constructeurs n'auront-ils pas le choix d'en ajouter un, mais ils devront aussi épaissir tous les autres. Cela pose problème. La vision périphérique de l'automobiliste va s'en trouver réduite, ce qui pourrait naturellement causer plus d'accidents. Pour le pilier B (c'est son nom), l'industrie a une réponse toute faite: des capteurs d'angles morts. Ceux-ci ne vous soustraient pas à l'obligation de jeter un coup d'oeil par-dessus votre épaule, mais contribuent néanmoins à votre sécurité.

Que doivent maintenant inventer les constructeurs pour corriger la visibilité vers l'avant? Installer une caméra, comme celle qui se trouve déjà à l'arrière de plusieurs modèles?

Il y a quelques années, Volvo a mis au point un pilier pratiquement translucide. Ce dernier, visible sur le concept SCC (Safety Concept Car), était composé d'une armature métallique à laquelle étaient greffées des pièces de plexiglas. Une autre idée, mise en application cette fois sur la BMW i3, consiste à construire des "colonnes" en composites de carbone. Une solution coûteuse, il est vrai, mais la sécurité des occupants n'a pas de prix, n'est-ce pas?

Le plus ironique de cette histoire est que les législateurs et l'industrie ne voient aucun problème à améliorer notre vision vers le ciel avec tous ces toits panoramiques en verre...