Après Mercedes, Cadillac, Ford, au tour de Dodge d'entrer dans le club des constructeurs automobiles centenaires. La marque a connu des hauts et des bas. On n'en voudra pas à ses fidèles de ne retenir que le meilleur de cette longue histoire amorcée par les frères Dodge.

À l'origine, ces derniers étaient d'importants fournisseurs de pièces pour les marques Ford et Oldsmobile, avant de se lancer à leur tour dans la construction automobile. La maladie a emporté John et Horace Dodge en 1920. L'entreprise vivota et passa sous le contrôle de Chrysler en 1928, qui l'intégra alors à son portefeuille de marques.

Dodge a mis du temps à trouver sa place au sein de Chrysler Corporation. Plus coûteuse qu'une Plymouth, moins raffinée qu'une De Soto et moins luxueuse qu'une Chrysler, Dodge a d'abord attiré l'attention avec ses utilitaires, ensuite avec ses sportives. Aucun point commun entre ces pôles? Si, l'originalité. N'est-ce pas cette marque qui, la première, chercha à courtiser (trop) ouvertement la gent féminine avec La Femme? N'est-ce pas Dodge aussi, avec la Caravan cette fois, qui lança le segment des fourgonnettes? Et le Dakota n'a-t-il pas été à l'origine de la catégorie des camionnettes intermédiaires? Certains préféreront évoquer la Charger Daytona des années 69-70 avec son immense aileron et ses phares escamotables, qui fut la première à franchir le cap des 320 km/h dans les compétitions NASCAR. D'autres, la Challenger, la Super Bee ou plus récemment la Viper ou le concept Tomahawk, une moto animée d'un moteur V10 présentée à l'occasion du salon automobile de Detroit 2003.

Voilà de bien jolis souvenirs, mais Dodge se retrouve aujourd'hui à la croisée des chemins. À la suite de son intégration à Fiat, cette filiale devait à l'origine être le fer de lance du groupe, opposée à Ford et Chevrolet, deux marques populaires américaines.

Mais Sergio Marchionne a redistribué les rôles il y a quelques semaines. Chrysler donnera la réplique à Ford et Chevrolet, tandis que Dodge incarnera la «performance brute et abordable». L'idée n'est pas vilaine, séduisante même, mais à court terme. En fait, elle sera moribonde dans 10 ans, tout au plus. Déjà, elle se trouve à contre-courant des valeurs et enjeux actuels (environnement, congestion et répression routière), et si Dodge maintient ce cap, c'est tout droit dans un mur qu'elle se dirige.

Histoire de rendre cette identité plus forte, plus crédible, Dodge rapatriera dans sa cour certains produits actuellement vendus sous l'enseigne SRT, dont la Viper. Dans la foulée, Dodge cessera la commercialisation de la très familiale Caravan et de la mièvre Avenger. On ne sait pas ce qu'il adviendra cependant des Journey et Durango, dont la vocation utilitaire ne colle pas très bien à l'image sportive que la marque souhaite dorénavant projeter. C'est un peu compliqué et espérons seulement que l'avenir de Dodge ne ressemblera pas à celui de Lancia, autre marque centenaire du groupe, appelée à disparaître très prochainement.