L'oeil humide, non, mais un petit pincement au coeur tout de même. La plus médiatisée - elle a fait l'objet d'une douzaine de chroniques et articles - de mes voitures personnelles est allée rejoindre, jeudi dernier, son nouveau propriétaire dans l'Oregon...

Avant qu'elle ne soit hissée dans le camion qui mettra cinq jours avant d'atteindre sa destination finale, j'ai soulevé un coin de la bâche pour caresser l'une de ses ailes saillantes; les parties les plus excitantes de sa carosserie avant de la recouvrir sans lui dire un mot, pas même un «au revoir».

Rien ne m'obligeait à la quitter. Après des années de galère, elle était devenue fiable et incroyablement performante dans tous les sens du terme. Sans doute un peu trop pour la qualité de nos routes truffées de trous et de bosses.

Il n'y avait que sur un circuit où elle pouvait encore s'exprimer. Et encore, puisque cette auto était taillée pour les rallyes, les routes ouvertes. Elle préférait se mettre de travers que de suivre une trajectoire précise où sa conduite n'était pas de tout repos, surtout sur un circuit sinueux où sa caisse peinait à masquer son manque de rigidité. Dans chaque courbe, il fallait retenir son souffle, se caler solidement dans son siège et se concentrer à fond sur la manoeuvre pour avoir une chance de s'extraire à peu près droit avant d'enfoncer la pédale d'accélérateur et attendre la violente mise en marche du turbo. Un vrai combat! Mais si «l'adversaire» - on peinait à faire corps avec cette auto - était incommode, il était rapide aussi. Rude à manier, sans l'ombre d'un doute, mais seul le pilote en souffrait. Et je ne voulais plus souffrir.

Cette voiture avait un remarquable potentiel, mais pour en profiter, il fallait vraiment avoir l'envie de la piloter sportivement. Sinon, il valait mieux renoncer.

Avec plus de 400 chevaux sous le pied et un poids frisant la tonne, cette auto affichait un rapport poids/puissance supérieur à bien des Lamborghini, Ferrari et autres véhicules d'exception.

Hélas, sur le plan des accélérations, cela ne donnait pas cette impression. D'abord elle s'arrachait difficilement de sa position de conduite et sa commande de boîte, trop lente, ne lui permettait pas de faire jeu égal avec les «exotiques».

En revanche, sur le plan des reprises, cette voiture ne craignait aucune comparaison. Un véritable météore à condition de faire preuve de beaucoup d'appréhension, car son freinage était nul et aurait amplement mérité d'être assisté d'un parachute - comme les dragsters - pour la ralentir.

Très franchement, le niveau de performances n'était pas à la hauteur des efforts accomplis pour les obtenir. Toute la largeur d'une route suffisait à peine et je dois sûrement à ces rudes batailles quelques-uns de mes cheveux blancs.

D'ailleurs, si je devais n'avoir qu'un seul regret, c'est de ne jamais l'avoir amenée jouer sur la neige où ses qualités intrinsèques allaient briller de mille feux. Si, je l'ai fait une fois, mais l'expérience a été de courte durée. Elle était alors tombée en panne...