De plus en plus de consommateurs délaissent l'automobile traditionnelle au profit d'un camion. Une tendance irréversible.

Dans les embouteillages, il suffit de jeter un coup d'oeil autour de soi pour constater à quel point le paysage automobile s'est diversifié ces dernières années. Les utilitaires ont fondu (Chevrolet Trax, Kia Soul), les camionnettes surgissent à tous les coins de rue (Ford F150, Ram 1500) alors que les berlines et les fourgonnettes, elles, s'effacent. À travers cette mosaïque se dessine une ligne de fracture. Ces nouvelles catégories, adaptées aux attentes divergentes d'une société éclatée, font descendre la berline «ordinaire» de son piédestal. Encerclé, le type automobile historiquement le plus diffusé dans le monde est en déclin.

Cette lutte d'influence, qui tient moins aux différences de design qu'au rapport à l'objet, sous-tend les stratégies de la plupart des constructeurs. Dans le ciel automobile, le phénomène le plus important des 15 dernières années est bien le début d'éclipse de la berline traditionnelle (Toyota Camry, Honda Accord). Cela n'entraînera pas sa disparition pour autant, mais lui a très certainement fait perdre plusieurs places dans les entrées de garage des consommateurs.

Du plus gros au plus petit

Les constructeurs métamorphosent leurs berlines en utilitaires, et après? L'idée n'est pas nouvelle. Depuis des années, cette formule est appliquée, avec succès, dans plusieurs créneaux du marché. Pensez au Journey de Dodge ou au Murano de Nissan. Deux camions dont les entrailles proviennent d'une berline.

Soucieuse de ratisser plus large encore, ce n'est donc qu'une question de temps avant que l'industrie n'applique cette recette à l'ensemble des segments automobiles. Après tout, les constructeurs n'ont pas grand-chose à perdre en allant tâter le (tout) terrain avec des autos dont le coût de développement a déjà été absorbé.

En habillant les autos comme des camionnettes, l'industrie estime qu'elles n'en seront que plus attrayantes, plus faciles à vendre et, ultimement, qu'elles généreront de meilleurs profits. Et c'est vrai. Pourtant, dans les faits, elles n'ont guère mieux à offrir qu'une position de conduite surélevée, la possibilité d'un rouage à quatre roues motrices, une capacité de franchissement supérieure et un habitacle proposant parfois plus de flexibilité. C'est plutôt mince, sans doute, étant donné que ces «camions» commandent des prix souvent plus élevés que ceux des berlines dont ils sont issus.

Après tout, comparés aux autos dont ils dérivent, ces utilitaires majoritairement inoffensifs - combien de propriétaires s'aventurent hors des sentiers battus? - adoptent la plupart du temps des modifications d'ordre purement cosmétique. Champions du plastique moulé, ils élargissent leurs ailes, surlignent leurs passages de roue et exhibent délibérément leurs renforts de caisse.

En un mot, ils multiplient les signes extérieurs d'appartenance à la communauté des faux vrais 4x4 et s'adressent à une clientèle plus attachée au look de son véhicule que tentée de grimper aux arbres.

Actuellement, presque chaque constructeur a planté son petit drapeau dans la terre des camionnettes, de toutes tailles et de tous prix. Même Bentley, Jaguar et Lamborghini projettent de rejoindre ce segment que d'aucuns considèrent comme la «nouvelle poule aux oeufs d'or de l'industrie».