L'amère constatation selon laquelle «les voitures d'aujourd'hui se ressemblent, ce sont toutes les mêmes!» ne date pas d'hier, mais il faut admettre que la multiplication des modèles accentue cette sensation.

Dénoncer la dictature du Cx (coefficient de traînée aérodynamique) ou la tyrannie de la CAO (conception assistée par ordinateur) ne suffit pas: l'aérodynamique ne prédétermine pas la totalité du design, et les logiciels peuvent parfois faire preuve d'imagination. «Mais les législateurs y mettent en quelque sorte un frein, rétorque Greg Larson, styliste chez Porsche. En entrevue avec La Presse à l'occasion du dernier salon de l'auto de New York, le styliste américain estime qu'au-delà de la recherche du meilleur Cx et d'un indéniable air de famille, les stylistes et les ingénieurs doivent également composer avec les normes en vigueur dans tous les pays où le véhicule sera commercialisé.

Protection des piétons, des cyclistes, résistance au retournement, diminution de la consommation d'essence, tous ces paramètres (et bien d'autres encore) dictent l'apparence de nos autos.

«Si seulement les normes étaient les mêmes partout, cela serait plus facile», soupire Larson.

Aux yeux des consommateurs, ce sentiment d'uniformité apparaît d'autant plus fort que les firmes se sont toutes attachées à doter leur gamme d'un «air de famille». Cette uniformisation du style plaît aux responsables de la mise en marché, qui considèrent que les automobilistes repèrent ainsi plus facilement une marque (NDLR: pas le modèle).

Et les clients, eux, ils en pensent quoi? Que les constructeurs pourraient y mettre un peu de fantaisie, peut-être? Que les stylistes obtiennent plus de latitude pour nous dessiner un véhicule qui se distingue comme un «visage» nouveau dans la circulation, comme le Juke de Nissan, le Soul de Kia ou encore, en son temps, l'Aztek de Pontiac.

Jusqu'ici, ce travail d'uniformisation s'est souvent centré sur le dessin de la calandre. Maintenant, il s'étend jusqu'aux phares, nouvelle lubie de l'industrie automobile. Audi a été le premier à s'y intéresser. Aujourd'hui, tous les autres ont suivi.

Les avancées techniques dans ce domaine ouvrent un océan de possibilités (DEL, Matrix, Laser) mais certains designers appréhendent déjà - et avec raison - la photocopie de cette signature lumineuse sur l'ensemble des produits d'une marque, les privant, encore une fois, de faire étalage d'un pouvoir créatif. Un «véritable carcan», estime un styliste de renommée mondiale qui craint que l'industrie ne pousse le bouchon trop loin. C'est possible.

Il y a une quinzaine d'années au salon de Tokyo, Toyota avait amusé la presse avec sa voiture «émotive». Ce prototype clignotait à votre arrivée, rougissait de votre départ. L'idée pourrait refaire surface. Audi, pour un, travaille sur une bande lumineuse qui, collée sur les flancs de la carrosserie, pourrait «exprimer quelque chose, mais on ne sait pas trop encore quoi», au dire d'un spécialiste de la marque allemande.

Un conseil, un seul: pensez-y bien avant d'enguirlander nos autos de la sorte.