L'attente aura duré 967 jours. Elle aurait été plus longue encore si, naïvement, toute l'équipe s'était mise en tête que tout allait être parfait dès le premier tour de roue.

Dans la matinée du vendredi 19 juin, la Lancia Scorpion préparée en vue d'une participation aux compétitions de type vintage prend la piste pour la première fois. L'objectif de cette première séance de roulage consiste uniquement à dégourdir les pistons; à relayer (réunir) les engrenages de la boîte de vitesse et à mordiller les disques des freins. La recherche de la performance, ce sera pour demain ou plus réalistement pour après-demain.

Outre ces éléments mécaniquesil faut aussi que le pilote apprivoise les caractéristiques du bolide. Et pour cela il faudra y mettre du temps. La voiture a jusqu'ici roulé dans une configuration que j'oserai à peine décrire de «basique». Aucune loi d'amortissement n'a été modifiée, les ressorts noirs (nous avons également des orange, des rouges et des jaunes, chacune des couleurs correspondant à un niveau de charge différent) sont demeurés les mêmes toute la journée. Même l'inclinaison de la molette de la répartition du freinage n'a pas bougé.

Cette première séance d'essai ne m'a à proprement dit rien appris du potentiel de cette auto. L'important, c'était de rouler, juste rouler. Et le plus longtemps possible, car malgré toutes les précautions prises, personne n'est à l'abri d'une panne ou d'une casse. D'ailleurs, comme il vaut mieux prévenir que guérir, Mike Rombotis, partenaire et ami dans cette aventure, me le rappelle pour la nième fois: «Peu importe le rapport engagé, tu ne dépasses pas les 4000 tours/minute durant la première demi-heure. Ensuite, tu t'arrêtes et tu la laisses refroidir. Après, tu reprends le tout, mais cette fois en faisant tourner le moteur 1000 tours/minute plus vite. Et ainsi de suite. Et, Éric, tu surveilles les températures, d'accord? Il ne faut pas que ça bouillonne.»

Une progression lente

Cette première prise de contact s'annonçait monotone. Elle l'a été durant trois longues heures ou plus précisément jusqu'à ce qu'il fut possible de toucher les 7000 tr/min. Avant ce seuil, les pétarades du quatre-cylindres 1,8 L donnaient seulement l'illusion qu'il s'agissait d'une voiture de course. Une fois ce régime atteint, aucun doute, c'en est bel et bien une. Elle s'anime, enfin! Et plus encore, à 8000, 9000, 10 000.

On a l'impression qu'à chacune de ces étapes, de nouveaux chevaux s'ajoutent à la cavalerie existante. Et tout laisse croire qu'il en sera ainsi jusqu'au rupteur qui, lui, se trouve à 11 500 tr/min.

Ce moteur au couple haut perché s'alimente d'une essence dont l'indice d'octane apparaît aussi élevé (110) que l'est son prix (un peu plus de 5$ le litre). Il s'arrime ici à une boîte dont chacun des rapports a été taillé en vue d'un usage en compétition et tout spécialement des circuits rapides comme celui de Tremblant où les grosses cylindrées ont, dans «ma» catégorie l'habitude de prendre les devants. Comment se débrouillera cette Lancia en juillet à l'occasion de la présentation de la Classique d'été sur ce majestueux tracé? Si vous saviez comme il me tarde de connaître la réponse.