On raconte que l'automobile assassine les grandes villes du monde. Elle les encombre, elle les pollue, elle les enlaidit. Toutes des vérités au même titre, faut-il le rappeler, qu'elle a participé aussi à leur prospérité et à leur modernité. Aujourd'hui, leur cohabitation ne semble plus possible.

Les citadins exigent un nouveau modèle. Un moyen de transport rapide, économique, sans danger, silencieux, non polluant et confortable. Soit exactement l'inverse de ce que représente la voiture individuelle. Par excès d'usage et par saturation de l'espace urbain, celle-ci est en train de changer d'image dans la conscience collective, qui semblait, pourtant, lui être totalement acquise.

Cette réflexion ne date pas d'hier. La place de l'automobile dans les grandes villes suscite depuis plusieurs années déjà des vagues de vives contestations aussi bien de ses partisans que de ses détracteurs. Tous les coups sont permis. Aussi insidieuse que l'automobile a été, les grandes villes jouent à leur tour aux hypocrites en fermant des rues à la circulation, en limitant les places de stationnement ou en créant des voies réservées pour d'autres moyens de transport.

Moins sournoise (?) que les autres, la ville de Paris estime aujourd'hui que la dissuasion ne suffit plus. Place à l'interdiction. La capitale française a déjà mis en marche une série de mesures pour en finir avec l'auto, mais en ajoute des supplémentaires. Ainsi, depuis le 1er juillet, les véhicules lourds commercialisés avant le 1er janvier 2001 ne pourront plus quadriller Paris. Une politique qui, dans un an, s'étendra aussi aux automobiles particulières mises en service avant le 1er janvier 1997 (1). À titre d'exemple, si une telle mesure était appliquée à Montréal, quatre de mes cinq voitures personnelles seraient condamnées à demeurer stationnaires, sauf le week-end ou pour emprunter la Métropolitaine.

Paris n'entend pas s'arrêter en si bon chemin. Sa maire Anne Hidalgo compte repousser, voire décourager l'usage de l'automobile dans sa juridiction et rompre définitivement avec la stratégie du «tout automobile» prêtée naguère à l'ancien président de la République, Georges Pompidou, qui voulait, disait-il, «adapter» la ville à la voiture.

Pour ce faire, Mme Hidalgo promet notamment de doubler le kilométrage des pistes cyclables, de réaménager des ronds-points en espaces verts, de piétonniser partiellement la Rive droite (la Rive gauche l'est déjà depuis 2013 sur 2,3 km), donner naissance à des quartiers (sans définir encore lesquels) sans voiture et plafonner à 30 km/h la vitesse maximale sur l'ensemble de son territoire.

Déjà, plusieurs voix s'élèvent contre ces «mesures brutales» et redoutent que la lutte contre la voiture ne nuise à l'activité de la ville, transformée en «ville-musée», ou qu'elle ne soit pour les «bobos» (bourgeois bohèmes) parisiens une manière de rester entre eux, en rendant plus difficile l'accès à la capitale.

Ces diverses inquiétudes seraient légitimes si la limitation - justifiée - de la circulation automobile ne s'accompagnait pas d'un effort réel et substantiel en faveur des transports en commun. Hélas, dans ce domaine, les initiatives de la maire de Paris sont maigres ou lointaines. Comme dans de nombreuses grandes villes d'ailleurs, incapables qu'elles sont toutes de financer leurs projets sans taxer (davantage) l'auto. Denis Coderre, le maire de Montréal, doit certainement avoir une meilleure idée et l'envie de voir l'une de mes voitures...

(1) Mesure applicable du lundi au vendredi, mais exclut le passage via le périphérique.