S'il fallait choisir une voiture qui a largement contribué à la dévalorisation de General Motors, je ne me tromperais sûrement pas en montrant du doigt ces abominables compactes des deux dernières décennies arborant les signatures Pontiac et Chevrolet. Certes, on en a vendu des tonnes de ces Sunbird, Cavalier, Cobalt et autres médiocrités, mais plus on en vendait, plus la réputation de GM s'effritait.

Ridiculisées par la presse automobile et pas très appréciées par leurs usagers, ces petites voitures ont été financièrement très profitables tout en ruinant la confiance de la clientèle envers le premier constructeur automobile américain. Comme on a affaire à des modèles d'entrée de gamme, les acheteurs en sont, la plupart du temps, à leur première auto. S'ils n'en sont pas satisfaits, ils passeront à un autre constructeur pour leur achat suivant et ne se procureront plus jamais un produit GM. En somme, on éloigne la clientèle au lieu de la fidéliser. Grave erreur! Quand Bob Lutz parlait des échecs de sa propre compagnie (GM), il pensait justement à ces compactes tristounettes abonnées aux dernières places d'année en année dans les matchs comparatifs de diverses publications.

De nos jours, GM n'a plus droit à de telles erreurs et ne peut plus vendre des «pieces of crap» (dixit Bob Lutz) aux acheteurs qui lui font confiance. La toute nouvelle compacte Chevrolet Cruze, pour les raisons précitées, se doit donc d'être à la hauteur de ce que l'on trouve de mieux chez la concurrence, identifiée comme étant la Corolla, la Focus, la Civic, l'Elantra et la Versa, même si cette dernière, par sa taille, n'est pas dans le coup. Lors du dévoilement de la version à moteur turbocompressé la semaine dernière dans la région de Lake Lanier, en Géorgie, on a clairement identifié les arguments sur lesquels on compte miser pour promouvoir la Cruze.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

D'apparence très sobre, la Chevrolet Cruze donne néanmoins l'impression d'être plus grosse qu'elle ne l'est en réalité.

La guerre des coussins

Cela se résume en l'habitabilité et l'équipement d'une voiture de format moyen avec l'économie d'une compacte, une sécurité inégalée dans sa catégorie avec pas moins de 10 coussins gonflables de série (contre 6 pour ses rivales) et une consommation sur route d'environ 7 litres aux 100 km avec le nouveau moteur 1,4 litre turbo de 138 ch. Ce quatre-cylindres provient en fait de la division allemande de GM (Opel) et on le retrouvera également en version à aspiration conventionnelle sous le capot de la future Volt, où sa fonction sera de recharger les batteries. Les diverses versions de la Cruze (LS, LT, Eco, LTZ) essayées lors de ce lancement étaient toutes dotées du moteur turbo qui se distingue du 1,8 litre de base, non pas par sa puissance qui est identique, mais par son couple supérieur disponible sur une plage d'utilisation très étendue. Avec la suralimentation, les reprises surtout sont beaucoup plus énergiques.

Détail curieux toutefois, le moteur turbo possède un compte tours qui autorise un régime maximal de 6500 tr/min, sauf que le limiteur de régime intervient bien avant, autour de 5800 tr/min. Il faut nécessairement en tenir compte lors d'un dépassement, car on risque de voir le moteur cafouiller et vous priver de puissance, jusqu'à ce que vous ayez pensé placer le levier de vitesse sur le rapport supérieur. La Cruze offre deux transmissions à six rapports, l'une manuelle et l'autre automatique avec l'un ou l'autre des deux moteurs offerts. Rien de révolutionnaire du côté freinage pour ces tractions, avec des disques à l'avant et des tambours à l'arrière (les disques arrière sont en option) tandis que la direction à assistance électrique provient de la Cadillac CTS. Sa précision et sa rapidité se conjuguent pour que la voiture hérite d'un certain agrément de conduite sur des routes en lacets. La surprise vient de la suspension arrière, qui fait abstraction des roues indépendantes en faveur d'un arrangement inédit avec un bras en Z qui, soutient-on chez GM, permet une économie d'espace et de poids tout en offrant des résultats similaires à une suspension indépendante. «Notre suspension est meilleure que celle de la Honda Civic» nous a confié un des ingénieurs de la Cruze . Elle se distingue, dit-on, par une diminution du bruit et des vibrations tout en améliorant le confort et la tenue de route. Seul un essai plus exhaustif nous permettra d'évaluer la Cruze sous ce rapport.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Dès que l'on prend place à bord de la Cruze, on a l'impression de se trouver dans une voiture plus cossue.

Voiture internationale

Même si l'expression semble un peu trop galvaudée, GM la reprend à son compte en parlant de la Cruze comme d'une voiture internationale qui sera proposée dans les 130 pays où le constructeur américain est présent. Sa mise au point est aussi le résultat d'une coopération entre les diverses filiales de General Motors, que ce soit en Europe avec Opel, en Asie avec Daewoo et aux États Unis avec Chevrolet. Par exemple, la plate-forme de la voiture est celle de l'Opel Astra, d'où provient aussi le moteur turbo.

Le bref essai sur route que nous avons effectué a permis de découvrir une voiture dont la qualité première est d'offrir la sensation d'une berline de luxe plus élaborée. On n'a vraiment pas l'impression de se trouver dans une petite voiture bon marché au volant de la Cruze, sans doute en partie grâce à un tableau de bord d'une belle exécution et à une console centrale faisant appel à des matériaux très relevés. Une insonorisation impeccable contribue aussi à ce que le contact initial soit plutôt favorable. La caisse est solide et aucun bruit suspect ne vient troubler la douceur de roulement. Les sièges sont bien conçus, la visibilité n'est aucunement gênée et l'ergonomie permet de s'y retrouver facilement dans les diverses commandes. Il est certain que la version LTZ essayée, la plus chère, courtise son conducteur avec une abondance d'équipement, mais il est intéressant de noter que le contrôle de la traction et le système de stabilité répondent présents même dans les versions les moins chères. À ce jour, les prix pour le marché canadien n'ont pas été dévoilés, mais on peut supposer que ceux-ci s'aligneront sur ceux des Etats-Unis, qui oscillent entre 16 995$ et 22 695$.

La Chevrolet Cruze débarquera au Québec à la toute fin de l'année, d'abord avec son moteur turbo et ensuite avec son quatre-cylindres Ecotec, que l'on dit d'une grande frugalité. General Motors a-t-il finalement appris de ses erreurs passées et cette nouvelle compacte sera-t-elle en mesure de faire oublier ses déshonorables devancières? De prime abord, il semble que oui et, compte tenu de ses origines, on aurait tendance à croire qu'elle sera en mesure de défendre les arguments qu'elle préconise.

Qui vivra verra!

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

La Chevrolet Cruze offre les meilleures places arrière de sa classe ainsi que le plus grand coffre.