J'avais environ 110 km à parcourir. Je partais tranquille puisque la Nissan Leaf revendique une autonomie de 160 km.

Même que les responsables de ma voiture d'essai avaient dissipé toutes mes craintes concernant mon parcours atypique, soit un total de 90 km sur autoroute, là où le freinage régénérateur d'énergie est pratiquement au repos. Au départ, l'indicateur d'autonomie affichait 158 km, ce qui me paraissait on ne peut plus rassurant. Mais, l'inquiétude n'a pas tardé à me gagner quand, après moins de deux kilomètres, le compteur avait régressé à 149 km. Et mon stress n'a cessé de grandir quand j'ai atteint l'autoroute 10 après avoir quitté Saint-Bruno pour me rendre au Lac Brome. Le compteur avait déjà dégringolé à 112 km, ce qui représentait à peu près la totalité de mon déplacement.

Un coup de fil chez les représentants de Nissan pour apaiser mes craintes m'a permis de tout mettre en oeuvre pour épargner les pauvres batteries. Passage en mode «éco», rouler à 100 km/h au lieu de 110 et, finalement, n'utiliser ni le chauffage, ni la climatisation. Message reçu. Sans doute eut-il été préférable de les appeler plus tôt, car mon autonomie était maintenant à 72 km alors que j'en avais besoin de 80 pour rallier ma destination. Pépère Duval a encore ralenti, mais inexorablement, les kilomètres d'espoir disparaissaient à vue d'oeil.

Au secours

Je me rabats une autre fois sur le sympathique Steve qui suit mon périple comme si c'était le vol d'une navette spatiale. J'en suis maintenant à 28 km d'autonomie, ce qui est tout à fait insuffisant pour me rendre à la maison. Steve a pris contact avec les techniciens de Nissan qui ne semble pas comprendre ce qui se passe. De nombreux autres journalistes ont conduit cette Leaf et aucun ne s'est trouvé dans un tel embarras. Il reste que je fais face à l'inévitable; la panne de courant. J'en suis rendu à lire les bornes kilométriques afin de voir combien je peux faire de kilomètres avant que mon indicateur d'autonomie marque une baisse. C'est presque que du un pour un, ce qui n'est pas de bon augure.

De guerre lasse, je décide de prendre la première sortie où règne une certaine animation, ce qui s'avère être la 78, à Bromont. Je suis à une quinzaine de kilomètres de chez moi et la pluie menace de se transformer en flocons de neige. La Leaf n'a plus que 8 km dans le ventre. Je capitule et j'appelle un taxi pendant que les gens de Nissan sont contraints de venir récupérer la voiture avec un camion.

Au même moment, le téléphone sonne et c'est le directeur des relations publiques de Nissan à Toronto, Didier Marsaud, qui vient s'enquérir de ce qui se passe.

Petits caprices

Son explication est que l'autonomie affichée au début est calculée en fonction du dernier utilisateur de la voiture. Si celui-ci a conduit en douceur et principalement en ville, cette donnée se réfugie dans la mémoire de la Leaf, ce qui explique le nombre de kilomètres affichés quand j'ai pris possession de la voiture. En plus, toujours selon M. Marsaud, la Leaf est surtout une voiture de ville et de longs trajets sur autoroute où l'utilisation du freinage est quasi inexistante ne permettent pas de bénéficier des kilomètres supplémentaires produits par le système de régénération de l'énergie. Mon humble réplique est que l'annonce d'une autonomie de 160 km devrait comporter une notice signifiant qu'il s'agit d'une distance parcourue dans des conditions idéales.

Ayant déjà essayé la Nissan Leaf il y a un an, je dois dire que, évaluée dans sa globalité, il s'agit d'une voiture agréable à vivre, spacieuse, confortable, passablement performante (0 à 100 km/h en 8,3 secondes) et, il va sans dire, silencieuse et économe.

Toutes ces qualités cependant s'accompagnent d'une certaine angoisse comme mon expérience en fait foi. À l'heure actuelle, on fait face à un problème sans solution autre que la dépanneuse. Les petits bidons d'essence que l'on transportait dans le coffre arrière des voitures à moteur thermique il y a de nombreuses années sont ici sans valeur et il n'existe pas, à ce que je sache, d'appareil portable pouvant emmagasiner de l'électricité pour recharger les batteries de votre Leaf.  L'autre caprice de cette première voiture électrique est le nombre d'heures nécessaire à la recharge. Avant de prendre le chemin du retour,  notre Nissan sans pot d'échappement a été branchée à une prise domestique ordinaire pendant 19 heures sans pour autant nous restituer plus de 130 km, soit 30 de moins que les prétentions de la marque japonaise. Vivement l'installation de bornes publiques capables de recharger vos batteries à 80% en 2 heures. Espérons que quelqu'un chez Hydro Québec a déjà pensé à ce réseau de stations service arborant le sigle de la multinationale de l'électricité.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Signal d'alarme. La panne d'électricité est imminente avec seulement 8 kilomètres à parcourir avant la panne d'électricité. Et la borne de recharge est à 20 km.

Retour au bercail

Puisque la Leaf n'aime pas les autoroutes, j'ai emprunté une route secondaire (la 104) pour revenir à Saint-Bruno tout en pratiquant une conduite économique qui m'a valu trois petits sapins qui sont venus s'afficher au tableau de bord. Malgré ces précautions, j'avais l'impression de vivre dangereusement avec les constantes fluctuations de la jauge de consommation. Je suis finalement revenu à mon point de départ après un parcours de 108 km et une réserve de 7 km, ce qui nous donne un score final de 115 km d'autonomie,  encore loin des 160 km promis par Nissan.

Somme toute, l'utilisation d'une Nissan Leaf est une habitude à acquérir et l'on doit être prêt à modifier ses réflexes de conduite pour pouvoir rouler sans payer...ou presque.  General Motors n'a pas cru bon d'imposer ce changement à sa clientèle avec la Chevrolet Volt en lui adjoignant un petit moteur à essence afin que les utilisateurs n'aient pas à vivre une expérience comme la mienne avec la Leaf. Cette dernière peut toutefois s'enorgueillir d'être la première voiture électrique en Amérique alors que la Volt doit être considérée comme un modèle semi-électrique équipé d'un moteur thermique pour parer aux éventualités.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Ces trois petits sapins sont venus récompenser ma conduite économique sur le chemin du retour.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Après 108 km de route, il restait 7 km d'électricité dans les batteries de la Leaf.