Le parc des voitures électriques et des hybrides rechargeables regroupe jusqu'ici des modèles à vocation économique même si les prix sont toujours considérés comme hors d'atteinte de bon nombre d'acheteurs.

En dehors du créneau de 30 000$ à 40 000$ (après subventions), personne n'avait encore osé s'adresser à une clientèle plus à l'aise, soucieuse elle aussi de l'environnement, mais en quête des attributs d'une auto de grand luxe et de haute performance.

D'accord, il y a eu la Tesla Roadster, une sportive aguerrie aux accélérations foudroyantes qui était davantage une curiosité qu'un pas en avant dans l'expansion du marché de la voiture électrique. On en a beaucoup parlé, mais ce petit bolide, conçu à partir de la Lotus Elise, n'était finalement qu'un jouet assez peu utile, sauf pour s'adonner à des gymkhanas dans des terrains de stationnement inoccupés.

Sachant très bien que ce premier modèle à la fois trop cher et trop ésotérique n'irait nulle part, Tesla a mis au point la X, berline luxueuse de format moyen plus rationnelle, mais dont les premiers spécimens tardent à meubler le garage des acheteurs qui en ont réservé un.

Une berline unique

Tesla est devancé par une firme dont on a peu parlé, sauf pour ses démêlés d'ordre politique soulevés par l'attribution de 536 millions de dollars pat le gouvernement américain. Il a même été question que le Congrès retire à Fisker une partie de cet argent pour n'avoir pas rempli ses engagements.

Or, la Fisker Karma roule bel et bien et chez les richissimes résidants de Palm Beach, en Floride, elle se vend aussi prestement que la dernière des Rolex en or. Le concessionnaire local s'affairait à préparer une livraison d'une vingtaine de modèles dans les jours suivant ma visite.

Mais, qui est Fisker au juste? Il s'agit d'un constructeur californien fondé par Henrik Fisker, styliste de talent d'origine danoise dont les plus belles références demeurent les splendides coupés et cabriolets Aston Martin. En quelques années, et au prix de maintes difficultés, il a réussi à amasser le financement nécessaire pour mettre sur pied une petite entreprise qui entend jouer un rôle majeur dans la fabrication de voitures électriques à autonomie prolongée.

Sa première réalisation est une superbe voiture de luxe 4 portes adroitement profilée qui se démarque par ses passages de roues très prononcés, sa calandre à la BMW et son toit entièrement vitré abritant un panneau solaire dont les cellules photovoltaïques alimentent certains accessoires. Le refroidissement de l'habitacle lorsque la voiture est garée en plein soleil, notamment.

La Fisker Karma se veut une berline de très haut luxe offrant tous les accessoires que l'on trouve habituellement chez ses rivales, que ce soit Mercedes-Benz ou Lexus. Cela se reflète évidemment dans son prix de 110 000$ qui sera épongé de 7000$ selon le programme d'incitatifs du gouvernement américain. Précisons ici qu'une autre berline Fisker, la Nina, coûtera la moitié moins cher et sera assemblée dans une nouvelle usine du Delaware.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

La Fisker Karma roule bel et bien et chez les richissimes résidants de Palm Beach, en Floride, elle se vend aussi prestement que la dernière des Rolex en or.

Un couple monstrueux

Pour l'instant, le prix demandé pour la Fisker Karma pourrait être considéré abusif si l'auto se contentait de soigner le confort de ses occupants. Ce qu'elle offre en supplément, c'est évidemment son caractère unique de voiture verte. À ce propos, elle mise sur deux moteurs électriques: l'un placé devant le différentiel et l'autre, à l'arrière. À eux deux, ils affichent un couple prodigieux de 959 lb-pi à 2000 tr/min et je ne connais aucune autre voiture pouvant revendiquer de tels chiffres.

Lorsque sont épuisés les 80 kilomètres d'autonomie en mode tout électrique, ce sont les 260 chevaux d'un petit moteur GM à essence, un quatre-cylindres turbo de 2 litres qui, selon le même principe que la Volt, prend la relève et recharge les batteries par l'intermédiaire d'une génératrice. Avec une puissance combinée de 403 chevaux, les performances de cette Fisker sont pour le moins spectaculaires et je n'ose croire à ce qu'elles pourraient être si cette berline n'était pas aussi lourde (2400 kg).

Sur la route, il suffit d'écraser l'accélérateur pour que la voiture s'envole dans un bruit de turbine qui semble ajouter à l'effet de vitesse. En 5,9 secondes, on file déjà à 100 km/h tandis que la vitesse de pointe est bridée à 200 km/h. La stabilité est exceptionnelle et on devine qu'il faudrait vraiment pousser à l'extrême pour que les pneus de 22 pouces perdent leur adhérence en virage. La douceur de roulement et l'absence de bruit témoignent d'une construction soignée, ce qui n'était pas le lot des premiers véhicules Karma confiés pour des essais à la presse américaine.

À part cette absence de bruit mécanique, l'impression ressentie au volant ne diffère pas tellement des sensations éprouvées dans la grande majorité des voitures de luxe.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Avec une puissance combinée de 403 chevaux, les performances de la Karma sont pour le moins spectaculaires et on n'ose croire à ce qu'elles pourraient être si elle n'était pas aussi lourde (2400 kg).

100 milles au gallon?

En matière de consommation, les chiffres ne sont pas d'une grande éloquence et ils sont de plus mis en doute par diverses sources d'évaluation.

En principe, et selon l'agence américaine de l'environnement, la Fisker Karma devrait pouvoir espacer ses arrêts à la pompe tous les 483 km en faisant appel au prolongateur d'autonomie que constitue le moteur thermique. Sachant que le mode électrique ne dépasse pas 80 km, cela supposerait un parcours de 383 km avec les 36 litres du petit réservoir à essence. Impensable, diront les sceptiques!

La publicité locale de la voiture proclame une consommation combinée de 100 milles au gallon, ce qui paraît très exagéré puisque le chiffre officiel de l'EPA (ministère de l'Environnement américain) se situe à environ la moitié de cette estimation, autour de 7 litres aux 100 km. La brièveté de mon essai ne m'a cependant pas permis d'officialiser ni d'infirmer ces chiffres.

Un inventaire de l'habitacle s'avère particulièrement décevant parce qu'en dépit de ses imposantes dimensions, la Fisker Karma n'est pas plus spacieuse qu'une sous-compacte. La console centrale qui renferme les 15 batteries au lithium-ion fabriquées par la firme A123, du New Hampshire, est si large et si haute qu'on a la sensation d'être séparée de son voisin par un véritable mur. À l'arrière, l'espace est celui d'un coupé 2+2 avec un coffre tout aussi restreint. La Fisker échappe par contre à cette finition intérieure bâclée qui est trop souvent le lot de ces voitures de faible série. Son lieu d'assemblage explique cette qualité: c'est le même que celui de la Porsche Boxster, en Finlande.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Le toit vitré à cellules photovoltaïques fournit de l'électricité à divers accessoires de la voiture.

Les sièges sont très agréables, la sécurité peut compter sur huit coussins gonflables et le tableau de bord ne regroupe que de rares commandes, celle du moteur notamment et un gros bouton pyramidal servant à l'engagement de la propulsion. Une palette sous le volant gère les divers modes de conduite, dont l'un crée un puissant effet de freinage régénératif.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette première voiture électrique de luxe, et cela, tant en bien qu'en moins bien. Comme toutes ses comparses, elle a le mérite d'ouvrir une nouvelle page de l'histoire automobile et, à cette fin, il lui reste de l'apprentissage à faire pour atteindre sa pleine maturité.

Si la Fisker Karma n'est pas parfaite, elle possède tout de même une qualité indéniable qui est celle d'être l'une des plus belles berlines sur le marché.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Le tableau de bord est dépourvu de la multitude de commandes habituelles, remplacées par un écran permettant de gérer toutes les fonctions.