Le monde de l'automobile se retrouve cette semaine à Paris sur fond d'optimisme retrouvé, mais marqué par la grave crise qu'il vient de traverser et alors que de nouveaux modes de mobilité contestent la prééminence du véhicule individuel.

Premières mondiales, carrosseries de rêve, stands brillant de mille feux, les travées du Mondial de l'automobile au Parc des expositions de la capitale vont comme tous les deux ans se transformer en temple à la gloire de la voiture.

Plus d'un million de visiteurs sont attendus du 4 au 19 octobre sur les plus de 125 000 m2 d'exposition à la porte de Versailles où au moins 260 marques seront représentées, dont 71 constructeurs automobiles.

Ces derniers ont déjà distillé leurs nouveautés à l'approche des journées de presse du Mondial, organisées jeudi et vendredi, comme Renault avec la cinquième génération de l'Espace, qui se mue en «crossover» à la silhouette de 4x4, mais sans les capacités de franchissement.

Opel montrera sa nouvelle petite Corsa, Smart ses puces urbaines deux et quatre portes, Volkswagen, en passe de ravir à General Motors la place de premier constructeur mondial, sa grande berline Passat, tandis que la vedette du stand Ford devrait être la Mustang, mythique coupé américain pour la première fois disponible l'année prochaine dans les concessions européennes.

On s'attend à des discours de conquête des dirigeants de grands groupes automobiles lors de leurs conférences de presse, reflétant un marché mondial voué à une croissance annuelle de plus de 4 % en moyenne d'ici à la fin de la décennie, selon le cabinet d'experts PwC.

Mais ce chiffre recouvre des réalités contrastées. La Chine et les pays émergents d'Asie continuent à s'équiper massivement, et les États-Unis ont retrouvé leur niveau d'avant la crise de 2008.

En revanche, même si la croissance est revenue en Europe depuis un an, les habitants y achètent encore 20 % de moins d'automobiles qu'il y a sept ans. Et des pays vus il y a peu comme les nouveaux «Eldorado» souffrent, comme le Brésil, la Thaïlande et l'Argentine, et surtout la Russie, visée par des sanctions pour son intervention en Ukraine.

Le défi des nouveaux modes de mobilité

Quant à la France, «le marché s'est stabilisé depuis quelques mois, mais la situation reste fragile», explique Rémi Cornubert, du cabinet de consultants Oliver Wyman, en pointant des indicateurs «tous négatifs»: la confiance des consommateurs, le chômage, la consommation des ménages et l'accès au crédit. «On n'est pas à l'abri d'une rechute», prévient-il.

Paradoxe, le Mondial, plus grand salon automobile de la planète par l'affluence, se déroule dans un pays où les habitants voient de moins en moins l'auto comme un objet de passion. «On a une voiture qui est complètement banalisée, mais qui reste indispensable dans la mobilité quotidienne», explique Flavien Neuvy, directeur de l'observatoire Cetelem qui mène une étude annuelle sur les automobilistes.

Toutefois, note-t-il, «les Français sont 60 % à associer la voiture aux nuisances qu'elle génère comme le bruit et la pollution». De fait, selon un sondage du groupe de conseil Promise Consulting, la voiture dont les Français rêvent le plus est «hybride ou électrique», pour 26 % des personnes interrogées.

En outre, pendant la crise, de nombreux consommateurs, en particulier les jeunes citadins, ont opté pour de nouveaux modes de mobilité qui remettent en cause le modèle traditionnel de la voiture individuelle. Des services de covoiturage, d'autopartage ou de location entre particuliers rencontrent un succès exponentiel.

«Demain, la question est de savoir si on sera toujours propriétaire de sa voiture pour ses déplacements quotidiens», résume M. Neuvy, une perspective qui représente un défi pour les constructeurs.

Ces derniers, au moment où le gouvernement prépare une hausse de la taxation sur le gazole qui devrait effriter son statut de carburant préféré des Français, exposeront des prototypes frugaux à Paris: deux litres aux 100 km chez Peugeot-Citroën avec d'originaux hybrides à air comprimé, et moitié moins pour Renault avec un hybride rechargeable ultra-léger.

Également érigée en priorité industrielle par le gouvernement français, la voiture autonome (qui se conduit toute seule), promise pour la prochaine décennie et qui aiguise les appétits de nouveaux entrants comme Google, devrait être mise en avant par les constructeurs et les équipementiers.