L'engouement des Chinois pour les VUS 4x4 urbains ne se dément pas. Les ventes explosent, dopées par l'impression de sécurité accrue qu'offrent ces voitures au châssis imposantes. Cela aiguise une féroce rivalité entre marques locales et constructeurs étrangers.

Les ventes de berlines en Chine ont chuté de 9,3% durant le premier trimestre de 2016, par rapport au trimestre correspondant de 2015. Mais celles des VUS se sont envolées de plus de 50%, selon les chiffres de l'Association chinoise de l'industrie automobile.

«La principale raison de ce succès est relativement primaire: c'est un désir de survie», commente d'emblée Robin Zhu, analyste du cabinet Sanford C. Bernstein.

Routes meurtrières, images cauchemardesques

Les routes chinoises, réputées pour leur dangerosité, restent particulièrement meurtrières.

De plus la télévision d'Etat diffuse quotidiennement des images d'accidents cauchemardesques. Alors «les conducteurs veulent éprouver un sentiment de sécurité», poursuit-il. «Et d'un point de vue psychologique, comme les SUV sont plus gros, il semble préférable d'être à bord d'un 4x4 urbain lors d'une collision à faible vitesse».

Ce que confirme un homme d'affaires, conducteur d'un imposant VUS, interrogé par l'AFP dans les rues de la capitale chinoise: «Je me sens à l'abri quand je suis au volant», insiste-t-il.

Une femme photographie le VUS Levante, de Maserati. Photo: Reuters

Les 4x4 urbains figuraient en bonne place lundi dans les allées du Salon de l'automobile de Pékin, les constructeurs --de Ford à Renault (qui dévoilait son nouveau Koleos) en passant par BMW-- rivalisant de modèles pour gagner des parts sur ce créneau en plein essor: quelque 50 modèles de VUS devraient être lancés cette année en Chine, prévoit le cabinet IHS Automotive.

17 millions de conducteurs agressés

Même si la qualité des infrastructures routières s'améliore en Chine, notamment en ville, les VUS conservent leur attrait, «en offrant une sensation de contrôle total et l'impression que vous êtes parés pour toutes les éventualités», commente Bill Russo, expert du cabinet Gao Feng à Shanghai.

Pour M. Zhu, la montée des agressions de conducteurs (plus de 17 millions de cas traités l'an dernier par la police de la route) conforte également l'attractivité des 4x4 urbains.

Le phénomène s'auto-alimente, les nombres croissants de VUS dans les rues incitant les conducteurs de berlines à vouloir changer de modèle, poursuit Robin Zhu, pointant également l'impact positif du déclin des prix de l'essence.

Ces visiteurs passent devant un BAIC Senova X35, un des nombreux VUS exposés au Salon de l'auto de Pékin. Photo : Frédéric Dufour, AFP

"Berlines à talons hauts"

En revanche, à l'inverse des Etats-Unis où les VUS cultivent une image de véhicules tous-terrains affrontant des routes endommagées, la plupart des modèles de 4x4 urbains chinois sont des multisegments, soit des modèles équipés de carrosseries plus hautes mais adaptés de voitures classiques.

«Ce qu'on appelle VUS (en Chine) de nos jours, ce sont des berlines à talons hauts», sourit Robin Zhu.

Les plus populaires sur le marché chinois sont ainsi «de petits multisegments basés sur les plateformes de voitures» traditionnelles, et «la vaste majorité d'entre eux» sont équipés de moteurs inférieurs à 2 litres, abonde Bill Russo.

«Ce sont des VUS économiques : ce ne sont pas ces véhicules géants, très gourmands en carburant et peu respectueux de l'environnement», relève-t-il.

Ce EX300L du constructeur chinois BAIC est un des produits Made in China qui séduisent les consommateurs de Chine. Photo : AFP

Revanche des marques chinoises

Aux yeux des acheteurs chinois, peu importe la puissance, souligne Michael Dunne, directeur du cabinet Dunne Automotive à Hong Kong: «Ils ne sont pas intéressés par les accélérations, la vitesse, mais plutôt par l'apparence extérieure».

Dix ans plus tôt, les citadins éduqués snobaient les 4x4, gros véhicules évocateurs pour eux des campagnards ou des ouvriers de la construction. Mais depuis deux ans, les VUS sont soudainement devenus à la mode.

Si les constructeurs étrangers --via leurs coentreprises en Chine-- ont profité de cet essor avec des modèles leur garantissant des marges élevées, ils sont  rattrapés par les groupes locaux, dont les véhicules moins coûteux séduisent.

Un Changan CS95 conçu et fabriqué en Chine. Photo : Reuters

Les Chinois aiment les VUS chinois

Alors qu'ils avaient été incapables de se distinguer sur le créneau des berlines (où la confiance du public reste attachée aux noms internationaux), les constructeurs chinois --dont Great Wall, Changan ou Wuling-- ont su s'imposer dans les VUS: en mars, sur les 10 marques de 4x4 urbains les plus vendues en Chine, six étaient chinoises, note M. Russo.

D'après la l'Association chinoise de l'industrie automobile, les constructeurs chinois ont accaparé 60% des ventes de SUV dans le pays en janvier-février, contre seulement 20% des ventes de berlines.

Le SUV chinois le plus vendu, le Haval H6 (Great Wall Motors), est commercialisé à partir de 88.000 yuans (12.000 euros), contre 200 000 yuans minimum pour le Volkswagen Tiguan --premier véhicule de marque étrangère sur ce créneau.

Ce modèle Emgrand, de Geely, est un des VUS qui ont vaincu la réticence des Chinois envers les constructeurs de leur propre pays. Le prix est un gros facteur. Photo : AP