L'électrique a le vent en poupe mais il ne faut pas enterrer les moteurs essence et diesel, qui sont encore loin de leur fin de développement.

C'est qu'affirme Gaëtan Monnier, directeur de l'institut Carnot, une division de l'organisme public de recherche français IFP-Energies nouvelles.

Trois questions sur le moteur à combustion interne

QUESTION: Les constructeurs présents au Mondial de l'automobile vont rivaliser d'annonces sur leurs véhicules électriques. En plein resserrement des normes d'émissions et de consommation, le glas est-il en train de sonner pour les moteurs à combustion interne ?

RÉPONSE: «Les grands principes du moteur à combustion interne sont connus depuis le XIXe siècle, le concept n'a pas évolué depuis.

En revanche, son application a fait d'énormes progrès. Les premiers moteurs ne tournaient pas vite, étaient très encombrants, lourds. Aujourd'hui, ce sont des machines de précision légères, puissantes, qui valent à peine plus que la matière première utilisée pour les fabriquer, alors qu'elles représentent l'aboutissement d'une technologie assez époustouflante. Et celle-ci continue à progresser».

Q: Quelle est la marge de progression pour améliorer les moteurs et réduire leur consommation ?

R: «La notion centrale est celle du rendement, c'est-à-dire le rapport entre l'énergie stockée dans le carburant qui entre dans le moteur et l'énergie mécanique qui en sort.

L'Institut Carnot a peut-être foi en l'avenir du moteur thermique, mais la mairesse de Paris veut interdire les moteurs diesel pour combattre la pollution. Les constructeurs trouvent que ce contexte fait de Paris un excellent endroit où lancer des voitures comme la Porsche Panamera 4 E-hybride. Photo: Porsche

La limite théorique du cycle du moteur à combustion interne est d'environ 60%. On en est encore loin aujourd'hui dans le monde automobile: entre 42 et 43% pour un moteur diesel, 37-38% maximum pour l'essence. Le Graal des chercheurs serait d'obtenir 50% mais 45% paraît un point de passage probable des futures motorisations, à l'horizon 2025-2030.

Toutefois, la donnée la plus pertinente est celle de rendement non maximum, mais moyen, puisque celui-ci varie selon la rapidité de rotation du moteur et l'effort qui lui est demandé. Le rendement moyen a pendant longtemps évolué autour de 20 à 25%. Aujourd'hui, on est environ à 30%, et au-delà avec les motorisations hybrides (carburant-électricité). A 35%, on atteint des consommations de l'ordre des objectifs du programme +2 litres aux 100 km» sur lequel travaille la filière automobile française».

Q: Quelles sont les pistes techniques privilégiées pour améliorer ce rendement moyen?

R: «La gestion électronique des moteurs, depuis les années 1970, a déjà énormément fait pour les rendre plus efficaces et plus propres.

Le débat sur le diesel devrait avoir de nombreux échos au Mondial de l'automobile de Paris. Il y a deux semaines, des négociants de diesel suisses ont été accusés de mélanger des diesels très toxiques aux carburants exportés en Afrique de l'Ouest. On voit ici l'échappement d'un minibus d'Abidjan, en Côte d'Ivoire. Photo: AFP

Les pièces sont désormais usinées très précisément, à quelques dizaines de microns* près. Il y a eu un gros travail sur le traitement des surfaces, en particulier au carbone, pour réduire les frottements. Des cycles modifiés, comme l'Atkinson, ont permis d'améliorer le rendement. La technologie des taux de compression variables, qu'Infiniti (groupe Nissan) va présenter au Mondial, a le même objectif.

Depuis une dizaine d'années, les constructeurs ont nettement réduit la cylindrée de leurs moteurs, les turbocompresseurs venant suppléer ce qu'on appelle le «downsizing». Mais la tendance a atteint ses limites. Ce qui est désormais très utilisé pour abaisser la consommation, ce sont les boîtes de vitesses automatiques pilotées à sept, huit, neuf et même dix rapports, qui permettent, sans toucher au moteur, d'exploiter le plus souvent possible un rendement proche du maximum.

L'allègement des automobiles, une tendance de fond de l'industrie, pourrait aussi jouer en faveur du moteur thermique: même avec les technologies d'aujourd'hui, une voiture de 700 kg, contre plus d'une tonne actuellement, obtiendrait des consommations ultra-basses».

* Millièmes de millimètres.

Renault --comme d'autres constructeurs en Europe-- est montré du doigt parce que plusieurs de ses véhicules diesels ont des émissions toxiques dépassant grandement les normes gouvernementales. Photo: Reuters