L'industrie automobile mondiale se réunit mercredi au salon de Pékin à l'heure où la Chine, sûre de sa force et dotée de marques locales de plus en plus compétitives, se prépare à lever les restrictions sur les constructeurs étrangers.

Organisée tous les deux ans dans la capitale chinoise, en alternance avec Shanghai, l'évènement est la vitrine incontournable du premier marché automobile mondial, où 28,9 millions de véhicules ont été écoulés l'an dernier.

En dépit d'un net essoufflement des ventes, «personne ne peut faire l'impasse sur la Chine», commente Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center Automotive Research, basé en Allemagne.

Selon lui, l'édition 2018 pourrait être dominée par des sujets «politiques»: le spectre d'une guerre commerciale entre Pékin et Washington inquiète le secteur, et les récents gestes d'ouverture dévoilés par la Chine suscitent un optimisme circonspect.

Promesse d'ouverture

Le président Xi Jinping a ainsi promis un abaissement «conséquent» cette année des droits de douane sur les voitures importées: un cadeau appréciable pour les marques de luxe, même si les volumes restent limités.

Surtout, Pékin a annoncé mardi la levée d'ici 2022 des restrictions empêchant les constructeurs étrangers de contrôler leur filiale locale - et même dès cette année pour la production de véhicules électriques.

Les groupes étrangers sont actuellement contraints de s'associer à un partenaire chinois dans des coentreprises dont ils ne peuvent posséder plus de 50%.

Mais les intéressés accueillent la nouvelle avec prudence. En pratique, pas grand chose ne changera à court terme car «il serait très compliqué pour eux de restructurer leurs coentreprises» qui assurent de gros volumes de production, indique à l'AFP Bill Russo, directeur du cabinet Gao Feng Advisory.

Certains constructeurs dépourvus d'usine en Chine, comme l'américain Tesla, pourraient néanmoins en profiter.

Tendance No 1 : VUS, comme partout

Tendance SUV

«C'est une normalisation des règles de fonctionnement commerciales (...) et cela donne une idée de la forme et de la compétitivité des groupes chinois», jugés capables d'affronter des rivaux étrangers autonomes, observe Guillaume Crunelle, responsable automobile chez Deloitte.

Les marques étrangères contrôlent encore 55% des ventes automobiles en Chine mais leur part de marché s'effrite drastiquement face aux marques 100% chinoises.

Ces dernières contrôlent 60% du créneau en plein boom des VUS, qui représentent 40% des ventes de voitures particulières.

«Les étrangers sont confrontés ces deux dernières années à une concurrence accrue des marques locales produisant des VUS meilleur marché», observe Bill Russo.

«Cela n'affecte pas nécessairement les marques haut de gamme» bien établies, à l'instar des allemands Mercedes, Audi ou BMW «mais cela plombe les constructeurs moyenne gamme», tels PSA ou Ford, dont l'espace se réduit et dont les ventes chutent, note-t-il.

Tous adaptent leur offre en conséquence, à l'image de Citroën, qui dévoilera à Pékin son 4x4 urbain C4-Aircross. Au salon, «il n'y aura qu'une seule tendance, c'est les VUS», confirme Ferdinand Dudenhöffer.

Tendance No 2 : électrique, c'est obligé

Autre vedette attendue, la voiture électrique, avant l'imposition par Pékin dès 2019 de quotas de ventes de véhicules «à énergie nouvelle» pour tous les constructeurs.

Cette perspective, qui pousse les constructeurs à muscler leur offre, devrait doper les ventes de véhicules électriques ou hybrides. Celles-ci se sont envolées de 53% l'an dernier, mais restent une goutte d'eau à l'échelle du marché (2,7%).

De quoi aiguillonner une pléiade de start-ups chinoises (Lynk&Co, NIO...), positionnées en challengers sur l'électrique.

Dans l'ensemble, les ventes automobiles en Chine n'ont progressé que de 3% en 2017, loin de l'envolée de 2016 (+14%).

Mais ce tassement «s'explique par l'annulation d'une réduction de moitié de la taxe» sur l'achat de véhicules à petite motorisation, qui dopait précédemment le marché, avertit Li Yanwei, analyste de la fédération chinoise des concessionnaires.

Il prédit une «croissance modérée» de même ordre en 2018, malgré la robustesse des ventes de VUS (+13% l'an dernier).

«La Chine commence à ressembler à un marché plus mature», abonde M. Crunelle. «C'est un marché plus compliqué, parce que les grandes zones côtières commencent à être équipées en voitures» et qu'«on voit apparaître un marché de l'occasion actif».

Mais, tempère-t-il, étant donné le potentiel des régions de l'intérieur, sous-développées, et le taux d'équipement de la population chinoise, beaucoup plus faible qu'en Occident, «personne ne doute de la capacité du pays à rester le moteur de l'automobile mondiale».