L'absence confirmée des principales marques allemandes lors du prochain salon de l'auto de Detroit a l'effet d'une bombe dans le monde automobile. Jusqu'à Montréal, où on se demande aussi si ces événements ont toujours leur pertinence à l'heure des médias sociaux, des environnements virtuels et des webdiffusions en direct.

« Une chose est sûre : on doit se renouveler », affirme Denis Dessureault, vice-président exécutif à la fois de la Corporation des concessionnaires automobiles de Montréal et du Salon international de l'auto de Montréal. « On le voit à Detroit, et on en entend parler via nos membres, les fabricants remettent en question le rôle de ces événements. »

La semaine dernière, Volkswagen a confirmé son absence du Mondial de Paris d'octobre prochain, quelques jours après que sa filiale Audi eut annoncé son propre désistement de l'édition 2019 du North American International Auto Show de Detroit. Comme leur nom l'indique, ce sont pourtant des vitrines mondiales majeures. Mais leur poids dans l'industrie mondiale a décliné rapidement, ces dernières années. À Detroit en janvier prochain, BMW et Mercedes-Benz manqueront également à l'appel.

« Audi a une longue histoire de dévoilements au salon de Detroit, mais nous n'y serons pas en 2019. Nous réévaluerons les salons au cas par cas, en fonction du lancement de nos nouveaux produits. »

- Extrait d'un communiqué de la direction d'Audi

UNE CONCURRENCE INATTENDUE

À l'échelle mondiale, des villes comme Shanghai et Pékin occupent désormais plus de place que Detroit ou Paris. Plus gros marché sur la planète, la Chine jette de l'ombre sur ces anciennes places fortes de la planète automobile.

Mais d'autres tendances viennent bousculer la tradition d'une industrie automobile qui peine à se renouveler. Des événements comme le Consumer Electronics Show de Las Vegas, qui a lieu quelques jours avant le salon de Detroit, courtisent avec succès les marques automobiles cherchant une vitrine technologique axée sur une clientèle plus branchée.

Certains constructeurs vont même plus loin, en s'incrustant directement dans ces technologies. C'est ce qu'a fait BMW à la fin de l'an dernier, avec un certain succès. Le dévoilement en primeur de sa grosse berline sportive M5 a eu lieu dans le cadre du lancement d'un jeu vidéo signé Electronic Arts.

« Nous sommes vraiment fiers de cette collaboration. Les millions de joueurs de Need For Speed d'un bout à l'autre de la planète sont jeunes, enthousiastes et complètement dévoués à leur passion. Ce qui vaut pour ce jeu vaut aussi pour la division M de BMW, explique Frank van Meel, président de la division en question. Cette coopération nous permet de rejoindre un auditoire tout nouveau et complètement versé dans le numérique. »

DES VITRINES RÉGIONALES

C'est un revirement majeur, puisque par le passé, le lancement de nouveaux modèles était cadencé au rythme des expositions automobiles traditionnelles. Mais ce qui nuit à des salons comme celui de Detroit pourrait profiter à d'autres, comme celui de Montréal.

« Il y a une différence de stratégie entre les deux. Detroit avait l'habitude d'être une vitrine médiatique majeure, alors que nous sommes plus des expositions régionales accueillant les consommateurs d'ici. »

- Denis Dessureault, vice-président exécutif de la Corporation des concessionnaires automobiles de Montréal et du Salon international de l'auto de Montréal

Au total, les six principales expositions automobiles canadiennes reçoivent la visite de 800 000 acheteurs potentiels, rappelle-t-il, qui se déplacent pour voir des véhicules concepts et des technologies intrigantes, mais qui sont aussi probablement en train de magasiner leur prochain véhicule. « C'est pourquoi toutes les grandes marques seront au salon l'hiver prochain », ajoute le porte-parole du SIAM.

Quant à un éventuel changement de dates pour le salon de Detroit, qui songe à déménager de janvier à octobre, l'organisation du salon de Montréal n'y voit que du positif. Ces dernières années, les deux événements avaient lieu en même temps, ce qui limitait l'accès à certaines nouveautés dans le cas du salon montréalais. « On aurait certainement plus d'exclusivités », conclut Denis Dessureault.

Photo Edouard Plante-Fréchette, Archives La Presse

« On le voit à Detroit, et on en entend parler via nos membres, les fabricants remettent en question le rôle des [salons de l'auto] », affirme Denis Dessureault, vice-président exécutif à la fois de la Corporation des concessionnaires automobiles de Montréal et du Salon international de l'auto de Montréal.

Sortir du moule des salons de l'auto

Les constructeurs tentent de faire leur marque hors du circuit traditionnel des salons automobiles. 

BMW

L'automne dernier, BMW a profité du GamesCom de Cologne, en Allemagne, pour dévoiler la M5, une berline plein format particulièrement performante. La voiture a ensuite été « essayée » en exclusivité par les férus de jeux de course automobile, puisqu'elle a été présentée au reste de la planète à travers le jeu Need For Speed Payback, au courant de l'automne.

Photo BMW

Cadillac

Soucieuse de se dissocier de Détroit, la marque américaine a dévoilé son VUS XT5 à New York, en 2015, d'une façon bien originale : il a été héliporté au-dessus de Manhattan, afin d'être présenté à des invités triés sur le volet, la plupart issus du secteur de la mode new-yorkaise.

Photo AFP

Mercedes-Benz

L'hiver dernier, Mercedes-Benz a organisé un événement à Amsterdam afin de dévoiler sa nouvelle petite familiale de Classe A. Plutôt que d'inviter les médias sur place ou de le faire dans un salon de l'auto, la société allemande a plutôt annoncé la webdiffusion en direct de l'affaire plusieurs jours d'avance, par l'entremise un microsite développé à cette fin.

Photo Daimler