«Les accidents d'automobile n'existent pratiquement pas, il n'y a que des accidents d'automobilistes.» Telle est la conclusion à laquelle est arrivée notre collègue Jacques Duval dans une chronique qu'il a signée sur l'art de bien conduire en 1971. Quarante-deux ans plus tard, le même constat s'applique, mais pour combien de temps encore?

La science-fiction, c'est fini. Audi et Lexus, deux des constructeurs présents au Consumer Electronic Show (CES) qui s'est déroulé la semaine dernière à Las Vegas, ont affirmé que l'automobile pourra un jour se priver des services de son conducteur. Ces deux marques de prestige ne sont pas les seules à travailler sur un tel projet. C'est le cas par exemple d'Apple et de Google. Ce dernier teste depuis 2010 déjà des prototypes à conduite automatisée dans trois États américains (Nevada, Floride et Californie). L'entreprise a plus de 500 000 km d'essais, sans accident, à son actif...

Pour l'heure, ce ne sont que des prototypes, mais les conducteurs peu doués l'attendent avec impatience. Et pas seulement eux, pense Ricky Hudi, responsable de la recherche électrique et électronique chez Audi AG. «Personne ne s'amuse dans un bouchon de circulation ou encore à chercher une place de stationnement dans un centre urbain. Alors, pourquoi, dans ces situations particulières, ne pas laisser le véhicule conduire à notre place?» Depuis deux mois, Audi expérimente ses solutions dans l'État du Nevada.

À l'heure actuelle, le système mis au point par la marque allemande fonctionne dans une plage variant de 0 à 60 km/h. Son fonctionnement repose sur le régulateur de vitesse actif (déjà offert sur les modèles de la marque), une paire de radars capables de «lire» sur une distance de 250 m et une caméra à grand angle. À cela s'ajoutent huit capteurs à ultrasons. Toute cette quincaillerie analyse en continu les mouvements de la voiture ainsi que ceux des véhicules à proximité et ne nécessite aucune assistance du conducteur. Ce dernier peut toutefois, «en tout temps, reprendre le contrôle et se faire plaisir au volant», a insisté M. Hudi.

Audi n'est pas le seul constructeur à envisager cette fonction automatisée. Lexus s'y intéresse également. Il a profité de la tenue du CES pour dévoiler un modèle expérimental capable de prendre lui-même les commandes. Toutefois, la marque japonaise demeure perplexe sur la suite à donner à ce projet à court et à moyen terme.

Comme bien d'autres acteurs de l'industrie, Lexus est réticent à autoriser la machine à agir sans une intervention humaine. Le conducteur doit être le seul maître à bord. Il doit être tenu responsable. Pour le moment, le prototype conçu par Lexus sur la base d'une berline LS est destiné à faire la démonstration des technologies automatisées, sans plus. D'ailleurs, la marque de luxe de Toyota n'a pas l'intention de demander une autorisation pour mener des essais sur les routes américaines.

Plus complexe que de relier seulement des fils

Toutes les technologies nécessaires à la réalisation d'un dispositif de «pilote automatique» existent déjà.

Les voitures modernes sont en effet en mesure d'accélérer, de freiner et de braquer d'elle-même. Elles ont également à l'oeil les autres usagers de la route, y compris les piétons. Elles peuvent aussi se garer d'elles-mêmes. L'objectif ici est de partager toutes les informations recueillies entre les différents systèmes. Une tâche plus complexe qu'il n'y paraît.

«Déjà, a rappelé M. Hudi, un véhicule comme l'A8 est composé de quelque 5000 semi-conducteurs. Il est nécessaire non seulement de les relier et de leur intégrer de nouvelles fonctions, de traiter l'information, mais aussi de les miniaturiser, de les alléger et de réduire leur consommation énergétique.»

En déresponsabilisant l'automobiliste, les promoteurs du «pilote automatique» craignent toutefois que les constructeurs soient tenus responsables en cas d'accident. Voilà pourquoi, d'une manière générale, les aides à la conduite sur le marché (ABS, correcteur de stabilité, antipatinage, etc.) attendent l'intention du conducteur avant de lui venir en aide. Certains, plus interventionnistes, vont jusqu'à déclencher un freinage (le City Alert de Volvo, par exemple) ou à corriger la trajectoire (Infiniti M) si le véhicule franchit une ligne de marquage sur la chaussée.

Doit-on aller plus loin? Les constructeurs s'interrogent. Ne faut-il pas d'abord apprendre aux automobilistes à bien se servir de l'existant? Et de rappeler le cas encore très actuel des conducteurs qui, puisqu'ils n'ont jamais eu affaire à l'antiblocage des freins, retirent leur pied de la pédale lorsqu'ils ressentent les vibrations dues à l'ABS. Pourtant, cette technologie existe depuis 30 ans.