Les sources de distraction au volant sont nombreuses et on a longtemps pensé que les commandes vocales pouvaient être la parade aux distractions liées au téléphone et à l'écran de tableau de bord. Erreur. Même en ayant les yeux rivés sur la route et les mains sur le volant, les technologies vocales ou «mains libres» distraient les conducteurs durant un laps de temps dangereusement trop long.

«Nous avons découvert qu'un conducteur de véhicule met du temps à avoir conscience de sa position dans l'espace et à retrouver sa concentration après avoir utilisé un système de commande vocale. C'est un résultat inattendu de notre recherche qui démontre combien ces systèmes peuvent distraire les conducteurs», nous explique Michael Green, directeur des relations publiques de l'American Automobile Association (AAA).

Lorsqu'elle a demandé à David Strayer et à Joel Cooper, professeurs de psychologie à l'Université de l'Utah, de se pencher sur les commandes vocales des téléphones intelligents et des systèmes de communication intégrés aux voitures, la Fondation pour la sécurité routière de l'AAA ne s'attendait pas à pareille conclusion.

Les deux chercheurs ont découvert que, selon le degré d'efficacité d'un système de commande vocal, un automobiliste roulant à seulement 40 km/h pouvait être distrait jusqu'à 27 secondes après avoir cessé d'utiliser la commande vocale. Ce qui représente une distance longue de trois terrains de football avant qu'il ne soit de nouveau pleinement attentif.

Comment, après avoir composé un numéro, un texto ou syntonisé la radio à l'aide d'une commande vocale, peut-on être encore distrait au volant pendant presque 30 secondes?

«La raison est que le cerveau met un certain temps à avoir conscience de sa position dans l'espace, lorsque l'on passe d'une tâche à une autre. L'action d'utiliser un système à commande vocale augmente la charge de travail mental à de très hauts niveaux. Les chercheurs ont trouvé que cela prend du temps pour que cette charge de travail se dissipe après qu'on a terminé une tâche. La plupart des gens ne peuvent pas faire comme il se doit plusieurs tâches en même temps», nous explique Michael Green.

Pour mener à bien cette recherche, les deux professeurs ont examiné et évalué l'impact de trois interfaces téléphoniques (Microsoft Cortana, Apple Siri et Google Now) ainsi que les systèmes d'infodivertissement de 10 modèles de véhicule 2015. Tous, sans exception, ont le défaut de distraire le conducteur après que celui-ci a pourtant cessé toute utilisation, et ce, durant 15 à 27 secondes selon les systèmes.

Sur une échelle de 1 à 5, la distraction a été jugée légère avec un Chevrolet Equinox équipé du système MyLink (2,4), un Buick LaCrosse avec IntelliLink (2,4) et un Toyota 4Runner avec Entune (2,9). La distraction est élevée sur une Ford Taurus dotée du système MyFord Touch (3,1), une Chevrolet Malibu ayant MyLink (3,4), une Volkswagen Passat avec Car-Net (3,5), une Nissan Altima avec Nissan Connect (3,7), une Chrysler 200C avec Uconnect (3,8) et une Hyundai Sonata avec Blue Link (3,8). Elle est enfin très élevée sur la Mazda6 équipée de Connect (4,6). Les résultats n'ont pas été plus rassurants avec les trois systèmes téléphoniques Google Now (3,0), Apple Siri (3,4) et Microsoft Cortana (3,8).

Distraction postutilisation

L'American Automobile Association considère qu'un taux de distraction supérieur ou égal à 2 est «potentiellement dangereux alors que l'on conduit».

Il y a évidemment une corrélation entre ces taux de distraction et la maniabilité des interfaces elles-mêmes. Pour résumer, les systèmes qui exposent le moins les automobilistes à la distraction postutilisation sont ceux qui sont faciles à utiliser, présentant le moins de problèmes et d'erreurs et dont l'exécution des tâches et des fonctions est rapide.

«Ce n'est pas parce que ces systèmes sont embarqués que cela signifie que c'est une bonne idée de les utiliser en conduisant, a souligné le professeur David Strayer. Ils sont une grande source de distraction, susceptibles de connaître des erreurs et très frustrants à utiliser. Placer une autre source de distraction entre les mains des automobilistes n'est pas une bonne idée. Il vaut mieux ne pas les utiliser quand vous conduisez.»

«La plupart des gens se disent: "Je raccroche, je peux y aller." Mais ce n'est pas le cas. On voit que cela prend étonnamment un bon moment avant d'être pleinement attentif», ajoute M. Strayer.

Ce professeur et son collègue ont analysé les comportements au volant de 257 personnes utilisant un système intégré à une voiture et de 65 personnes utilisant un système téléphonique mains libres, toutes présentant un dossier de conduite sans aucun accident responsable. Âgées de 21 à 70 ans, ces personnes ont conduit les véhicules durant cinq jours.