Comme nos cartes de crédit, nos smartphones ou les moteurs de recherche, les voitures autonomes sauront presque tout de nous, avec à la clé une vie toujours plus confortable mais de nouvelles menaces pour la protection de la vie privée.

Toute l'industrie automobile est lancée dans une course folle pour concevoir les premières voitures sans conducteur, qui selon les experts devraient arriver sur les routes aux alentours de 2020.

Outre les défis juridiques (qui est responsable en cas d'accident ?) c'est aussi une bataille numérique qui est en cours autour des flux gigantesques de données qui transiteront par ces véhicules.

Un torrent de nouvelles mégadonnées sur vous

«C'est le nouvel or noir», a affirmé le patron d'Intel Brian Krzanich lors d'un discours au salon Automobility de Los Angeles.

«Si vous avez un véhicule en mesure d'absorber des données variées et riches, il pourra gérer des situations complexes sur la route», remarque-t-il. «Sinon, votre voiture finira par devoir s'arrêter».

Les capteurs, radars, caméras des voitures autonomes échangeront des données avec d'autres véhicules, peut-être aussi avec des routes devenues «intelligentes» qui adapteront les vitesses maximales à la météo ou au trafic.

Libéré de la conduite, le passager échangera lui aussi avec le monde extérieur: il enverra des emails, textos, écoutera de la musique ou regardera des films en streaming, fera une vidéo-conférence avec ses collègues, réservera une table dans un restaurant...

Même la maison sera connectée aux voitures: le constructeur sud-coréen Hyundai a ainsi dévoilé mardi sur le salon Automobility un partenariat avec l'application de commande vocale Alexa d'Amazon, pour pouvoir depuis chez soi démarrer sa voiture, allumer la climatisation etc.

Libéré de la conduite, le passager échangera courriels et textos, fera des recherches internet et laissera des traces de ses goûts, opinions et habitudes sur le web.

Toute cette information personnelle sera utilisée

Des informations qui représentent une mine d'or pour les entreprises.

«Où vous êtes, où vous vous arrêtez, à quelle fréquence, qu'est-ce qui s'y trouve... tout cela peut être utilisé pour (personnaliser) votre trajet, vous proposer de la musique que aimez ou des choses à acheter: c'est une opportunité», a martelé M. Krzanich.

Signe du faramineux potentiel, il a annoncé à Los Angeles un investissement de 250 millions de dollars d'Intel dans les technologies des «voitures du futur».

«Toutes ces données vont aller chez le constructeur: "oh il s'arrête toujours chez Starbucks"» et ils tenteront de faire de l'argent avec, remarque Karl Brauer, du portail internet automobile KBB.

Le patron d'Intel a admis sur le salon les défis posés en termes de «sécurité du partage des données» et de «protection de la vie privée».

CJ Frost, l'un des responsables d'Amazon Alexa, décrivait lors d'un panel un monde où nos applications seront en mesure de traquer où se trouvent nos amis attendus pour dîner, pour demander au plus proche d'une épicerie d'acheter une bouteille de vin.

Pourra-t-on se déconnecter ?

Dans ce monde évoquant le «Big Brother» du roman de George Orwell, «1984», sera-t-il possible de déconnecter sa voiture ?

«La protection des données des consommateurs est encore une question ouverte», remarque Jeremy Carlston, du cabinet d'études économiques IHS.

«Un téléphone portable contient beaucoup d'informations sur son propriétaire mais quand nous les fournissons à un tiers c'est en échange d'un service»: un achat, une musique qu'on aime gratuite, des informations sur internet...» ajoute-t-il.

«C'est le même compromis pour une voiture» connectée, estime-t-il auprès de l'AFP.

Lors d'une conférence sur la cyber-sécurité au salon, les intervenants évoquaient aussi les risques de piratage informatique.

«Les constructeurs ont ajouté des protections anti-virus contre les risques de piratage», souligne ainsi Egil Juliussen, autre expert d'IHS, spécialisé dans la cyber-sécurité, interrogé par l'AFP.

Des «criminels pourraient empêcher les voitures de fonctionner et demander de l'argent pour les faire redémarrer», anticipe-t-il.

Ou les envoyer dans le fossé.

A l'été 2015, deux chercheurs américains en informatique avaient démontré qu'il était facile de prendre le contrôle d'une voiture «connectée». Ils avaient piraté la Jeep Cherokee d'un journaliste du site de technologie Wired, allumé sa radio, fait fonctionner les essuie-glaces et surtout coupé le moteur et désactivé les freins.

Des défis qui «vont nécessiter pour le secteur de joindre ses forces et de collaborer», assure Brian Krzanich.

Il ne se doutait pas que ça viendrait des voitures. Photo: Wikpédia