La Ville de Montréal a récemment invité l'entreprise israélienne Phinergy à venir tester sa motorisation sur le futur site d'expérimentations électriques cher au maire Denis Coderre. L'approche de Phinergy serait prometteuse pour les voitures électriques. Qu'en est-il réellement ? Tentative de réponse.

De quoi s'agit-il ?

Phinergy se présente comme un « chef de file dans le développement novateur de systèmes de stockage et de génération d'énergie propre ».

Son PDG, Aviv Tzidon, présente sa technologie comme étant « une batterie aluminium-air », dévoilée à Montréal pour la première fois en 2014 au circuit Gilles-Villeneuve. Selon Phinergy, grâce à son approche, l'autonomie des véhicules électriques serait décuplée, celle-ci serait préservée par temps froid et la recharge se ferait en quelques minutes. La source d'énergie utilisée ? L'aluminium, associée à l'eau et à l'oxygène de l'air. Phinergy travaille sur ce procédé depuis 2008.

Une Citroën C1 modifiée par Phinergy. La firme israélienne avait montré son prototype au circuit Gilles-Villeneuve en 2014.

Comment ça marche

La voiture est mue par un moteur électrique couplé à une batterie au lithium-ion.

Comme pour la Chevrolet Volt, le véhicule possède un prolongateur d'autonomie.

Il ne s'agit cependant pas d'un moteur à essence, mais un bloc de plaquettes d'aluminium.

L'association d'eau purifiée, d'électrolytes liquides et d'oxygène crée une réaction chimique qui dissout les plaquettes d'aluminium pour produire de l'électricité.

On peut appeler ça un « prolongateur d'autonomie aluminium-air » (PAAA) qui fournit de l'électricité à la batterie au lithium-ion.

Le prototype Phinergy lors d'une démonstration au circuit Gilles-Villeneuve en 2014.

Inconvénients pratiques

Comme les plaquettes sont dissoutes au fur et à mesure que l'électricité est produite, elles doivent être retirées ainsi que leurs résidus. Et donc remplacées. Seul un centre spécialisé ou un concessionnaire pourront faire cela. Il faut également refaire le plein d'eau (15 litres nécessaires à la réaction chimique) tous les 300 km, affirme Phinergy.

La durée de vie d'un bloc de plaquettes d'aluminium dépend de l'utilisation que l'on en fait et de la quantité d'aluminium utilisé. Dans ses communications, Phinergy vante souvent une autonomie moyenne de 1600 km. Telle est plus ou moins la fréquence de changement des plaquettes. Le coût est inconnu.

Observateur attentif de ce genre d'évolution, le physicien Pierre Langlois a en outre remarqué que ce prolongateur offrirait une faible puissance au moteur (pour chaque kilogramme d'aluminium, on aurait 200 watts). D'où une vitesse qui serait limitée à 90 km/h sur terrain plat.

Avantages immédiats

Comparativement à une voiture électrique à batterie, l'avantage majeur de ce prolongateur est justement cette grande autonomie.

La recharge ne pose pas d'aussi grands inconvénients à première vue. Même si, comme sur une Chevrolet Volt, il faut recharger à un moment ou à un autre la batterie au lithium-ion. Le changement de plaquettes amène cependant à se demander si c'est réellement un avantage ou un inconvénient. Ce système qui n'engendre pas de pollution en roulant a par ailleurs l'avantage de créer de la chaleur (par la circulation des électrolytes) réutilisée pour chauffer l'habitacle.

Ce prolongateur contiendrait 100 fois plus d'énergie dans un même poids qu'une batterie au lithium-ion et la même densité d'énergie que l'essence. Enfin, les tenants de ce choix font remarquer que les plaquettes d'aluminium à changer peuvent être recyclées.

Questions de coûts

Le choix d'un tel « prolongateur d'autonomie aluminium-air » suscite beaucoup de questions relatives aux coûts environnementaux et financiers.

Quel sera le coût d'un « plein » d'aluminium ?

Quel sera le prix de l'aluminium sur les marchés à l'avenir ?

Qu'est-ce qu'il en coûtera de récupérer et de recycler les plaquettes d'aluminium ?

Quelle quantité de gaz à effet de serre est émise durant le cycle de vie de cet aluminium ?

Et, surtout, quelles quantités d'eau et d'électricité seront nécessaires ?

Le débat est lancé.