Le véhicule autonome n'est désormais plus de la science-fiction et le chantier est vaste pour les assureurs avec pour question centrale la responsabilité entre le conducteur et la machine.

Comment passer d'un environnement actuel où plus de 90% des accidents de la route sont dus à une erreur humaine à un futur où des véhicules ultra intelligents, sans chauffeur, ni volant ou pédales, sont censés raréfier les accidents ?

«Difficile de dire quel sera le scénario», estime Stéphane Pénet, directeur des assurances de biens et de responsabilités à la Fédération française de l'assurance (FFA), interrogé par l'AFP.

Défis multiples pour les assureurs

Les défis sont multiples pour le secteur qui doit à la fois penser à sa propre évolution et à celle de ses contrats dans un monde automobile inédit.

«Nous travaillons surtout sur les moyens d'avoir une assurance fluide permettant d'indemniser rapidement les victimes et de retrouver les causes de l'accident le plus simplement possible», explique M. Pénet.

Car l'une des problématiques majeures est «l'élargissement du spectre des responsabilités possibles» entre notamment concepteur de logiciel, constructeur automobile, transmetteur des données et conducteur, indique le responsable.

«La nouveauté du véhicule autonome, c'est de déterminer qui était en charge de la conduite au moment de l'accident», souligne pour sa part Jean-François Huère, délégué chez PSA aux nouvelles mobilités, véhicules connectés et autonome.

Quand elle roule, en ce moment, cette voiture autonome Google a toujours un employé qualifié derrière le volant. Il est 100 % responsable. Mais pour combien de temps ? Photo: Waymo

Des boîtes noires dans les autos ?

L'installation d'un enregistreur de données au coeur du véhicule (un peu comme les «boîtes noires» dont sont équipés les avions) est une solution envisagée.

«Cela va probablement être réglementaire», avance M. Huère qui y voit «un intérêt pour tous».

Une normalisation des technologies en Europe permettrait également de mieux s'y retrouver, ajoute M. Pénet, indiquant l'existence de travaux sur la question à l'échelle européenne.

Devant les avancées technologiques de l'auto autome, n'est-il pas inévitable qu'on évolue vers le principe de la «responsabilité sans faute» ?

Pour le moment, concernant le cadre réglementaire européen, le principe du conducteur responsable prévaut.Il demeure adapté aux véhicules semi-autonomes actuels, dotés de systèmes d'aide à la conduite (ADAS), qui requièrent en cas de problème la reprise en main immédiate du chauffeur.

En revanche, la question de son évolution se posera une fois le véhicule 100% autonome prêt pour le grand public. Pour le mastodonte européen de l'assurance Allianz, la notion de responsabilité devra évoluer dans la réglementation pour bâtir des contrats adaptés au véhicule autonome.

Les boîtes noires envisagées pour les autos autonomes seront beaucoup plus précises que les enregistreurs de données d'accident qui équipent actuellement les véhicules. Photo : AP

Une question pour la SAAQ

L'assurance «sera-t-elle attachée seulement au véhicule ? Au conducteur ? Ou bien est-ce qu'il y aura un mix des deux ?», s'interroge François Nedey, directeur technique assurances de bien et de responsabilités d'Allianz. Il émettant l'hypothèse d'une «responsabilité sans faute» pour le conducteur.

D'ores et déjà, Allianz, qui anticipe qu'environ un tiers des véhicules seront partiellement ou totalement automatisés d'ici 2035, a lancé cet été en France un contrat dédié aux véhicules semi-autonomes avec à la clé une réduction de la prime d'assurance.

Rabais aux conducteurs qui ne touchent plus à rien

Le groupe prévoit également une baisse de la fréquence des sinistres pouvant engendrer un gain net de l'ordre de 10% à 20%, en dépit d'une augmentation du coût moyen de la réparation.

Néanmoins, «une voiture autonome truffée de capteurs coûte cher», rappelle M. Huère. Majoritairement maîtres d'oeuvre de l'élaboration technologique des véhicules, les constructeurs pourraient voir leur responsabilité plus souvent mise en cause par les assureurs.

«Les constructeurs automobiles auront peut-être intérêt à aller plus largement sur le marché de l'assurance automobile, notamment ceux qui ont déjà des bras armés assurantiels», analyse Daniel Dadoun, associé spécialiste des institutions financières et assurances pour le cabinet de conseil AT Kearney.

«Si leur responsabilité est plus souvent engagée», les constructeurs «pourront être tentés d'en faire une opportunité en orientant les réparations vers leurs propres ateliers, qui souffrent aujourd'hui de la baisse des sinistres et de l'orientation des assurés vers des réseaux agrées par leurs assureurs», poursuit-il.