D'abord surtout connu à titre d'entrepreneur technologique, Alexandre Taillefer est devenu, avec Téo, l'un des plus importants acteurs de l'industrie du taxi au Québec. Il a visité la semaine dernière le Consumer Electronics Show (CES), la plus grande foire annuelle de l'industrie électronique, où tous les grands manufacturiers automobiles exposaient leurs nouveautés à saveur technologique. Voici ce qu'il en a retenu.

SUR LE DÉVELOPPEMENT DES VOITURES AUTONOMES

« Je n'ai pas appris grand-chose sur le sujet ici cette semaine. D'après moi, on va voir une voiture autonome de niveau 5 - entièrement autonome dans toutes les conditions - apparaître de notre vivant, mais pas avant 15 ans. Ajoutez 15 autres années pour que tout le monde en ait. On voit plein de scénarios ici, mais avant qu'une voiture vienne vous cueillir toute seule devant chez vous et vous emmène au centre-ville, ça va prendre au moins 20 ans. »

SUR L'AVENIR DE CE MARCHÉ

« Nous dépensons actuellement environ 21 % de notre budget en transport. C'est beaucoup, et la solution ne passe pas par la voiture individuelle, mais par le transport collectif. L'idée de voitures autonomes qui peuvent être partagées est séduisante. On parle dans ce cas de ‟transportation as a service", mais je n'ai pas vu beaucoup de ça au CES, parce que ce n'est pas un événement de transport, mais de gadgets. N'oublions pas que ça crée de la pression sur les manufacturiers, parce que le nombre de voitures vendues serait appelé à baisser de façon drastique. »

SUR L'ACCEPTABILITÉ SOCIALE DES VOITURES AUTONOMES

« Éventuellement, il surviendra des situations d'urgence où la machine devra faire des choix entre tuer le conducteur ou les piétons, par exemple. C'est un gros problème, et les gens semblent penser que ce sera fait par une sorte de Dieu dans le nuage. Il faudra qu'il y ait une partie de hasard, ça ne peut pas être du déterminisme.

« Regardez combien ç'a pris de temps au Québec à régler le débat sur l'aide à mourir. Ce n'est pas vrai qu'on va donner à des compagnies technologiques le droit de décider de ça.

« Il y a encore beaucoup de questions à régler. À court terme, la voiture autonome est un grand leurre et celui qui en bénéficie, c'est Uber.

« Les constructeurs n'ont pas besoin de la voiture autonome. Celui qui en a besoin, c'est Uber, pour réduire ses coûts. »

SUR UNE DÉCEPTION

« J'étais très intéressé aux solutions d'affichage à tête haute [head-up display], mais je n'ai pratiquement rien vu d'intéressant.

« Dans nos taxis, la tablette est située en bas, à droite, et ce n'est pas efficace. On voudrait par exemple pouvoir utiliser des données de trafic de Waze, mais c'est difficile pour les chauffeurs de s'en servir. »

SUR UNE GRANDE SATISFACTION

« C'est intéressant de voir que la voiture électrique évolue vers des formats que les gens veulent. Pour moi, la plus grosse nouvelle est que Chrysler va lancer un modèle Pacifica électrique. Une minifourgonnette électrique, c'est ça que les gens veulent ! »

SUR LES PROJETS DE TÉO

« Nous allons bientôt nous lancer dans la livraison, et j'ai été impressionné par la camionnette de livraison imaginée par Mercedes. Il y a des robots derrière qui placent les colis dans le bon ordre et qui les sortent automatiquement une fois à destination. Apparemment, ça pourrait sauver jusqu'à 80 % du temps des chauffeurs. »