Des ingénieurs somnolents, voilà ce qui semble compter parmi les problèmes les plus importants de Ford dans sa quête pour développer des véhicules autonomes. Il s'agit d'une préoccupation si importante que le constructeur automobile songe à retirer complètement le facteur humain de l'équation en supprimant le volant et les pédales de ses véhicules autonomes qui feront leur entrée en 2021.

L'entreprise de Dearborn, juste au nord de Detroit, a usé de divers stratagèmes pour garder ses ingénieurs alertes durant les séances d'essai, expérimentant avec des alarmes et d'autres témoins lumineux et allant même jusqu'à ajouter un deuxième ingénieur dans le véhicule pour surveiller son homologue. « Nous avons tout essayé, la conduite douce du véhicule était tout simplement trop reposante et les ingénieurs ont eu du mal à conserver une "conscience situationnelle" », a expliqué Raj Nair, chef du développement mondial des produits chez Ford.

Niveau 3 : ôter les pédales, ôter le volant

La stratégie que compte adopter Ford, qui est de retirer le volant et les pédales des véhicules autonomes, a soulevé un débat entre les constructeurs automobiles sur la façon d'approcher la conception des véhicules autonomes de niveau 3 ; ils en sont même venus à se demander si le niveau 3 devrait ou non exister.

L'an prochain, BMW, Mercedes-Benz et Audi présenteront des véhicules autonomes de niveau 3 qui nécessiteront une intervention humaine dans les 10 secondes, sans quoi le véhicule ralentira jusqu'à s'arrêter dans sa voie.

Cependant, d'autres constructeurs, comme Nissan et Honda, travaillent actuellement sur des systèmes qui donneront 30 secondes au conducteur pour se préparer et reprendre les commandes du véhicule avant que ce dernier amorce une manoeuvre pour se garer en bordure de la route.

Seulement, des recherches menées par le constructeur automobile suédois Volvo ont démontré que les conducteurs au repos ou distraits par des appareils électroniques avaient besoin de deux minutes pour réagir correctement et reprendre le contrôle du véhicule. « Et c'est absolument impossible. Ces résultats écartent l'idée du niveau 3 », a déclaré le PDG de Volvo Cars. En s'alignant avec l'unité de recherche de Google/Alphabet, Waymo, qui a fait des découvertes similaires, Ford projette lui aussi de sauter complètement le niveau 3. Selon le PDG de Waymo, John Krafcik, « le niveau 3 pourrait bien s'élever au rang de mythe » et « ne vaut peut-être pas la peine d'être développé ».

Niveau zéro

L'an dernier, le ministère des Transports des États-Unis a adopté les niveaux de conduite autonome de la SAE qui commencent par le niveau 0, lequel requiert une attention humaine constante. Le niveau 5 ne nécessite aucune assistance du conducteur et le niveau 3 correspond à ce que la SAE décrit comme une « automatisation conditionnelle » où le conducteur humain doit répondre aux demandes du véhicule et intervenir en cas de besoin.

La plupart des constructeurs automobiles croient que l'humain devrait interagir avec le système de conduite autonome afin d'éviter une collision dans des situations de conduite compliquées ou d'urgence. D'autres, comme Ford et Volvo, jugent qu'un conducteur humain inattentif ou distrait ne ferait qu'aggraver la situation s'il devait réagir en quelques secondes dans une situation d'urgence potentiellement mortelle.

Les véhicules autonomes de niveau 3 devraient-ils permettre à un humain distrait de réagir ? Les constructeurs automobiles devraient-ils écarter complètement le niveau 3 et attendre que des systèmes plus avancés qui nécessitent moins l'intervention humaine soient développés ? Probablement que seuls l'avenir et des tests supplémentaires nous le diront.