On veut vous en vendre une au plus tard en 2021. On promet les premiers prototypes dès 2018. Tout le monde investit dans la voiture autonome, mais certains prédisent qu'on ne la verra pas de sitôt sur nos routes. Si on la voit un jour...

En 1958, le vice-président responsable de la recherche et de l'ingénierie de la Ford Motor Company, Andrew A. Kucher, laissait entendre dans le magazine Mechanix Illustrated qu'une fine couche d'air comprimé allait un jour remplacer les pneus des automobiles. En 1959, la société Curtiss-Wright dévoilait le Model 2500 Air-Car, prototype d'un véhicule pouvant être soulevé par deux hélices afin de circuler sur n'importe quelle surface, même de l'eau.

En 2016, le PDG de Ford Mark Fields a prédit l'avènement de la voiture autonome dès 2021. Il n'est pas seul : la majorité des grandes sociétés automobiles, et d'autres du secteur technologique, dont Alphabet et Uber, comptent mettre en marché sous peu les premiers véhicules pouvant se déplacer, des kilomètres durant, sans intervention humaine.

La Ford Glide Air était un prototype rêveur de voiture volante. La voiture 100 % totalement autonome, telle que rêvée par ses développeurs, pourrait se retrouver dans le même musée des idées trop belles pour êtres vraies.

Visionnaires ou rêveurs ?

MM. Kucher et Fields sont-ils à classer dans la même catégorie de rêveurs ? Ou est-ce que cette fois, la technologie remplira ses promesses ?

Difficile à dire. En janvier dernier, le responsable du développement des systèmes autonomes chez Toyota, Gill Pratt, émettait des réserves quant à l'échéancier accéléré fixé par ces quelques dirigeants, pressés de s'autoproclamer visionnaires.

Pour passer des véhicules à conduite assistée qu'on a aujourd'hui, qui détectent plus ou moins fidèlement les lignes peintes au sol et les objets environnants, à des véhicules pouvant garder le contrôle sur de longues distances, c'est un impressionnant bond en avant qu'il faudra faire, estime-t-il.

Mark Fields, PDG de Ford, prédit une auto 100 % autonome dès 2021. Photo: Ford

Bill Gurley est un des investisseurs qui ont permis à Uber de voir le jour.

Cette dernière souhaite vivement mettre en circulation le premier parc automobile autonome sur la planète, et ce, au plus tard en 2020.

Lors d'une conférence à San Francisco la semaine dernière, M. Gurley a dit croire, comme Gill Pratt, qu'on ne verra pas cette technologie en Amérique du Nord « avant au moins 25 ans ».

Avec les lois actuelles, aux États-Unis à tout le moins, de coûteuses poursuites en justice fuseront entre conducteurs, constructeurs et assureurs au moindre accroc d'une voiture autonome. L'enjeu n'est donc pas seulement technologique, il est aussi légal. Voire culturel...

Gill Pratt, de Toyota, dit que la barre a été placée trop haut. Photo: Reuters

Engouement excessif 

Grâce à sa filiale Waymo (l'ex-Google Car), Google est un promoteur important de la voiture autonome.

Que fait cette société technologique en automobile ? Elle applique des algorithmes tirés de l'intelligence artificielle (IA) à un secteur qui en aurait bien besoin, afin de réduire les nombreuses morts provoquées chaque année par ses produits.

Terme qui est abondamment galvaudé ces jours-ci, l'intelligence artificielle englobe la voiture autonome. Celle-ci n'est pas exempte de cet engouement, qui frise l'excès, convient Guillaume Chicoisne, directeur des programmes scientifiques à l'Institut de valorisation des données, à Montréal, qui regroupe des chercheurs touchant à tous les volets de l'IA.

M. Chicoisne trouve que certains ont mis la barre un peu haut face aux résultats de cette recherche. « Les attentes sont-elles trop élevées ? Va-t-on guérir le cancer, ou créer la voiture autonome ? Il y a toujours un risque qu'on soit dans un hype. Ce ne serait pas la première fois. Dans les années 70, on parlait déjà de vision informatique. Ça commence à peine à exister ces jours-ci... »

La différence entre 1970 et 2017, nuance M. Chicoisne, c'est qu'en ce moment, on fait de la recherche opérationnelle, prête à être mise en application. « Et pour une fois, la recherche livre la marchandise avant de la promettre », assure-t-il.

Reste à voir si on pourra apporter la même distinction entre 1958 et 2017. Ou si la voiture autonome finira dans le même entrepôt des projets oubliés que sa lointaine cousine, la voiture volante...

L'auto partiellement autonome de Waymo, la filiale de Google. Photo : Google