Tatiana Bedjanian pensait piquer la curiosité de son fils en lui relatant, à distance, les merveilles contemplées durant sa récente visite de l'Italie. Mais l'homme de 31 ans avait d'autres priorités en tête.

«Il nous a dit qu'il fallait absolument que l'on vienne ici, que c'était obligatoire... Il a même pensé faire un aller-retour de deux jours pour voir lui-même l'exposition», raconte cette libraire de l'Université McGill après avoir contemplé une Bugatti Atlantic de 1938 aux formes élancées.

«C'est comme un Léonard de Vinci. Regardez cette ligne, c'est magnifique», lance Mme Bedjanian en montrant le rutilant véhicule noir posé à l'entrée du musée des Arts décoratifs de Paris.

«C'est un chef-d'oeuvre», confirme son compagnon, Richard Fournier, lui aussi emporté par l'enthousiasme devant cette pièce de collection parcourue de rivets qui viennent renforcer la singularité du design.

Quelques mètres plus loin, Grégory Dalex scrute avec un regard d'aficionado le châssis d'une Ferrari 250 LM de 1964 tout en répondant aux questions de son fils Edgar, ravi du spectacle. «Moi, ce qui m'intéresse, c'est le côté esthétique, le mélange des matériaux, la ligne», souligne le journaliste, qui avoue un faible pour les productions italiennes. «J'aime bien les chemises italiennes, j'ai aussi chez moi une vieille Vespa [...] Je trouve que les designers italiens ont une manière de concevoir les choses qui fait que tout tombe à pic, il y a une réelle harmonie», dit-il.

Qu'ils soient venus pour faire plaisir à leur progéniture ou pour leur propre plaisir, la plupart des visiteurs croisés au musée des Arts décoratifs lors de notre passage n'avaient que de bons mots à dire sur l'exposition organisée par l'institution avec la collaboration de Ralph Lauren.

Témoins de l'âge d'or du design automobile

Le célèbre designer américain, qui dispose d'une soixantaine de voitures de collection, a accepté d'en fournir 17 à l'institution parisienne jusqu'à la mi-août. La plupart sont des voitures de compétition qui ont été placées dans la nef du musée, dans une aile du palais du Louvre. Quelques véhicules de «grand tourisme» inspirés des designs et des technologies conçus pour la course sont présentés dans une galerie adjacente, sur fond blanc.

On remonte le temps, passant de la massive Bentley «Blower», datant de 1931, à la Ferrari 250 GT de 1960 avant de sauter à la McLaren F1 orangée de 1996.

Le commissaire de l'exposition, Rodolphe Rapetti, spécialiste du patrimoine automobile, affirme avoir voulu placer l'accent sur les développements survenus en matière de design de 1930 à 1960, une période considérée comme une sorte «d'âge d'or».

Dans cette phase où la construction d'un véhicule se fait encore sans ordinateur, il s'est créé, selon lui, un «aérodynamisme intuitif ou imaginaire auquel on doit sans doute certaines des plus belles carrosseries jamais construites».

Une créativité manifeste notamment dans la dérive caractéristique de la Jaguar XKD de 1955, qui a dominé les 24 Heures du Mans pendant trois années consécutives. Ou encore dans les ailes profilées en gouttes d'eau d'une Alfa Roméo de 1938.

La recherche d'efficacité maximale débouche souvent sur des designs d'une «grande beauté» qui se manifestent même dans la conception des moteurs, fait valoir l'exposition. Une situation qu'a tenté de mettre en relief le commissaire en plaçant sous verre celui de la Bugatti 57.

Photo fournie par le Musée des arts décoratifs de Paris

Le commissaire de l'exposition, Rodolphe Rapetti, soutient qu'il s'est créé dans les années 1930 à 1960 des voitures dotées d'un «aérodynamisme intuitif ou imaginaire auquel on doit sans doute certaines des plus belles carrosseries jamais construites».

Exposition multimedia

Les visiteurs peuvent aussi contempler un diaporama comportant des plans rapprochés des voitures auxquels sont superposés les sons des moteurs correspondants.

Une autre vidéo montre les efforts de restauration menés à la demande de Ralph Lauren pour remettre en état certains des véhicules présentés à Paris. Dans une entrevue intégrée dans le catalogue de l'exposition, le designer explique qu'il a toujours considéré ses voitures comme des «oeuvres d'art» et qu'il apprécie particulièrement celles qui ont été faites «à la main» par des artisans dévoués.

«J'ai toujours aimé les machines créées par des personnes qui mettent à profit leur passion pour la fabrication afin de donner naissance à de belles formes ou des sons qui procurent du plaisir», souligne le designer américain, qui dit tirer une part de son inspiration créatrice de ces bolides. Ralph Lauren affirme qu'il n'a jamais acheté et restauré des voitures pour épater les gens, mais bien pour son propre bien-être, chacune suscitant chez lui «une sensation différente».

«Je ne les considère pas comme des objets merveilleux que je possède et que les autres viennent admirer. Je les conduis et je m'en sers pour me promener avec mes enfants. En fin de compte, je leur fais retrouver leur vraie nature», indique-t-il.

Ce qui n'empêche visiblement pas «les autres» de les admirer avec satisfaction lorsque l'occasion leur est donnée.

L'art de l'automobile Chefs-d'oeuvre de la collection Ralph Lauren jusqu'au 28 août au musée des Arts décoratifs 107 rue de Rivoli, Paris.

Photo fournie par le Musée des arts décoratifs de Paris

Ralph Lauren devant sa Bugatti Type 57SC Atlantic Coupe 1938.