Sur l'écran, des petits ronds fuchsia d'un côté, des carrés turquoise de l'autre. Citroën C3 2000. Peugeot 206 2010. Yaris hybride 2014.

Autant de voitures qui dorment en bordure de rue ou dans un stationnement pendant une bonne partie de la semaine. Autant de voitures sur lesquelles misent des PME françaises pour offrir un service de location nouveau genre.

Drivy et OuiCar, toutes les deux nées il y a six ans, revendiquent à présent respectivement 35 000 et 30 000 voitures offertes. Le principe est simple : chaque propriétaire d'un véhicule en état de rouler peut offrir des plages horaires et fixer son prix, alors que le locataire choisit son véhicule et se présente au lieu de rendez-vous à l'heure convenue.

Des assurances complètes et obligatoires prennent le relais de celles du propriétaire dès que la location débute. Puis, le locataire part avec la voiture et la ramène à l'heure convenue, avec le même niveau d'essence. Et préférablement sans dommage.

Finalement, pas d'ami ni de voiture accessibles. « J'avais le parking de la gare [devant les yeux] où il y avait 300 voitures. Je me suis dit que c'était idiot, que je devrais pouvoir prendre l'une de ces voitures. »

Elle lance Zilok en 2007, une plateforme de location diversifiée, avant d'en extirper les voitures pour leur consacrer une société dédiée : OuiCar. Dans un bureau à aires ouvertes, la femme d'affaires mène les efforts d'une quarantaine d'employés. 

Son rival, c'est Paulin Dementhon. L'homme de 37 ans, air de jeune premier, a créé - et fermé - une boîte de covoiturage urbain avant de se consacrer à Drivy. L'entreprise se targue d'être le leader du secteur, avec 800 000 utilisateurs inscrits - contre 650 000 pour OuiCar.

« Le but, c'est qu'une voiture puisse servir à 10 ou 20 personnes », explique-t-il, assis dans la salle à manger de ses locaux, près d'un grand bol d'oeufs en chocolat destiné à sa soixantaine d'employés.

L'idée lui est aussi venue à Marseille : « Sur ma rue, il y avait trois familles qui se partageaient une voiture. Elles se divisaient les coûts avec une feuille Excel toute bête », relate-t-il en entrevue.

Le principal défi de ces plateformes est de convaincre les automobilistes de laisser des inconnus prendre place derrière leur volant en échange de quelques dizaines d'euros - une trentaine par jour, en moyenne. « Les gens ont un peu peur », admet Marion Carrette. Avec son équipe marketing, elle a choisi un slogan tout désigné pour une grande campagne de publicité dans le métro parisien : « La location entre grandes personnes ». « Il faut avoir un peu mûri, s'être dit que la voiture n'est qu'un accessoire », continue-t-elle.

Un investissement de 41 miilions

Drivy et OuiCar ont leurs bureaux dans un secteur de la rive droite de Paris traditionnellement consacré au commerce de textile. Seuls 500 mètres séparent les deux concurrents : pas de quoi louer une voiture.

Les deux services tentent de se démarquer malgré des services essentiellement identiques. 

Drivy se vante d'avoir implanté en premier le contrat de location entièrement virtuel, où le locataire signe l'entente avec son doigt sur la tablette ou le téléphone. OuiCar, pour sa part, met de l'avant l'investissement de 28 millions d'euros (41 millions de dollars canadiens) reçu de la Société nationale des chemins de fer (SNCF, le transporteur ferroviaire public français) l'été dernier et qui favorise le jumelage entre son service et le train. Le géant du chemin de fer a pris 75 % du capital.

Mais les compétiteurs évoquent des profils de clients similaires. La location type, c'est « le couple », selon M. Dementhon, « qui part en week-end », complète Mme Carrette. Comme la location est facturée à coup de journées --et que l'offre parisienne en transport alternatif est large--, les locations pour une heure ou deux seulement sont plutôt rares.

Et les propriétaires ? « C'est surtout des gens qui ont une voiture dont ils se servent très peu », explique Paulin Dementhon. Sa rivale détaille : les offres viennent à la fois de foyers avec une seconde voiture sous-utilisée et de Parisiens qui n'ont qu'une voiture, mais dont ils se servent rarement.

Témoignages d'utilisateurs

« Ça fait deux ou trois mois qu'on l'offre et on en est à quatre locations. Je refuse environ deux demandes pour une. Les gens demandent à trop long terme ou veulent faire trop de kilomètres. [...] La voiture, on ne l'utilise quasiment jamais. L'argent qu'on gagne, on le met sur un compte de crédit coopératif pour notre bébé », dit Sonia Clerc, de Nantes, propriétaire d'une Toyota Aygo sur Drivy.

« Si je devais faire une moyenne, je dirais que ça me rapporte environ 200 euros par mois, ce qui me permet de payer les deux tiers de mon crédit. C'est appréciable. [...] C'est vrai que la première fois, je me suis demandé si l'assurance de OuiCar allait être adaptée si j'avais un problème. Je me suis lancé. J'ai fait plus de 20 locations et je n'ai jamais eu de problèmes », dit Émeric Henry, de Joinville-le-Pont, propriétaire d'une Renault Captur sur OuiCar.

« J'utilise le service comme propriétaire et comme locataire, mais plus comme propriétaire. Je loue ma voiture environ cinq fois par mois, en moyenne pour trois jours, souvent les week-ends. [...] Il y a un calendrier où je peux prévoir les week-ends où j'ai besoin de ma voiture. C'est à moi d'être prévoyant, il faut être organisé », dit Clément Goude, de Paris, locataire et propriétaire d'une Renault Clio sur Drivy.