Donald Trump a réaffirmé mardi son cap protectionniste en prenant pour cible l'industrie automobile américaine, criant victoire après la décision de Ford de renoncer à construire une usine au Mexique et menaçant General Motors de représailles.

Le président élu américain a par ailleurs nommé mardi un ancien de l'administration Reagan, hostile à un libre-échange sans limites, pour renégocier les accords commerciaux internationaux.

Durement critiqué par M. Trump pour ses délocalisations, Ford a fait sensation en annulant mardi la construction d'une usine de 1,6 milliard de dollars à San Luis Potosí, au Mexique, dont la construction avait été annoncée en avril.

Près de la moitié de cette somme --700 millions-- sera réaffectée à une ses installations au Michigan, dans le nord des États-Unis, pour fabriquer des véhicules autonomes et électriques.

À peine cette annonce-surprise dévoilée, le président élu s'est autocongratulé sur Twitter en relayant le message d'un de ses conseillers lui attribuant la paternité de cette décision et en assurant que les États-Unis allaient devenir «le plus grand pôle d'attraction pour l'emploi et l'innovation».

Le PDG de Ford lui quelque part a donné raison, niant avoir «conclu un accord» avec le futur président américain, mais reconnaissant que cette décision était liée à l'arrivée prochaine de M. Trump à la Maison-Blanche.

«C'est littéralement un vote de confiance sur certaines des mesures procroissance qu'il a mises en avant», a déclaré Mark Fields sur CNN, évoquant «un environnement plus positif pour l'industrie manufacturière et l'investissement».

Le Mexique a vivement réagi, en affirmant «regretter» cette décision et en assurant que Ford devra rembourser les éventuelles sommes engagées par les autorités locales pour «faciliter» cet investissement.

Saluée à Wall Street, cette décision marque en tout cas un revirement inattendu pour le deuxième constructeur américain, qui a toutefois précisé qu'il maintiendrait le transfert d'une partie de sa production de petites voitures au Mexique.

Mi-novembre, peu après la victoire-choc de M. Trump, Ford assurait encore qu'il ne renoncerait pas à ses projets de délocalisation malgré les remontrances du prochain pensionnaire de la Maison-Blanche.

Les mêmes pressions se sont abattues mardi sur le grand rival de Ford, General Motors, pris pour cible pour fabriquer certaines de ses voitures au Mexique à moindre coût avant de les revendre aux États-Unis.

«General Motors livre des voitures Chevy Cruze, fabriquées au Mexique, à ses concessionnaires aux États-Unis sans payer de taxe. Fabriquez aux États-Unis ou payez une lourde taxe frontalière», a tweeté M. Trump.

Le géant de Detroit a immédiatement démenti en partie les accusations de M. Trump, expliquant que la Chevrolet Cruze vendue aux États-Unis était produite près de la ville de Cleveland, dans l'Ohio (nord).

Inquiétudes pour la filière

Les attaques de M. Trump contre GM et la volte-face de Ford coïncident avec la nomination mardi de Robert Lighthizer, 69 ans, comme représentant au Commerce extérieur (USTR), le poste qui couvre les négociations commerciales internationales.

Cet ancien de l'ère Reagan s'est, dans le passé, déclaré opposé au «dogme» d'un libre-échange «effréné» et a plaidé pour un durcissement vis-à-vis de Pékin pour freiner le «déclin américain», conformément à la ligne politique du président élu.

Posant en chantre du «Made in America», M. Trump a durement critiqué les accords commerciaux négociés par ses prédécesseurs, les accusant d'être responsables de la perte de millions d'emplois industriels aux États-Unis. Il a notamment promis de dénoncer l'Accord de libre-échange nord-américain (Aléna), qui lie les États-Unis, le Canada et le Mexique.

C'est ce traité qui permet à General Motors et Ford de fabriquer au Mexique et d'importer aux États-Unis hors taxes. L'Aléna prévoit que, si au moins 65% des pièces d'un véhicule sont d'origine nord-américaine (États-Unis, Canada et Mexique), celui-ci peut être vendu sur le territoire américain sans aucune taxe d'importation.

Ces pressions sur les grands constructeurs américains interviennent à quelques jours de l'ouverture du salon automobile de Detroit et renforcent les interrogations sur l'avenir de la filière sous la présidence Trump.

C'est lui qui permet à General Motors de fabriquer au Mexique et d'importer aux États-Unis hors taxe. L'ALENA prévoit en effet que si au moins 65% des pièces d'un véhicule sont d'origine nord-américaine (États-Unis, Canada et Mexique), celui-ci peut être vendu sur le territoire américain sans aucune taxe d'importation.

General Motors a démenti pour partie les accusations de M. Trump, en expliquant que la Chevrolet Cruze vendue aux États-Unis est produite sur le site de Lordstown dans l'Ohio (nord-est).

«GM construit la Chevrolet Cruze à hayon (un modèle coupé différent de la Chevrolet Cruze, une berline familiale) pour les marchés mondiaux au Mexique, dont un petit nombre d'unités est commercialisé aux États-Unis», a affirmé le groupe. Sa PDG Mary Barra fait partie du «forum stratégique», un organe consultatif composé d'une vingtaine de grands patrons constitué par Donald Trump pour évaluer sa politique économique.

Le premier groupe automobile américain dispose de plusieurs sites industriels au Mexique dont trois usines d'assemblage. L'une est située à Silao (centre), la deuxième à San Luis Potosi et la troisième à Ramos Arizpe proche de la frontière texane. C'est cette dernière qui produit la Chevrolet Cruze à hayon, une berline familiale vendue aux alentours de 17 000 dollars.

En s'en prenant à GM, Donald Trump s'attaque au seul constructeur américain construisant des véhicules hors des frontières nord-américaines et les revendant aux États-Unis.

Le géant de Detroit importe depuis cet été une voiture fabriquée en Chine, la Buick Envision, et projette d'en vendre un second modèle en début d'année 2017, la Cadillac CT6 hybride.