De façon générale, la sécurité routière et la fiabilité mécanique sont deux sujets qu’on considère séparément. L’avènement des voitures électriques et autonomes changera complètement la donne sur ce plan, à tel point que seules les marques « fiables » survivront, pense un haut dirigeant de la firme de conseil Accenture.

Éric Schaeffer, basé à Paris, dirige la division Produits Industrie X.0 au sein de la multinationale et vient de publier un livre intitulé Réinventer le produit, où il y va de quelques prédictions sur l’impact de la technologie sur divers secteurs industriels. M. Schaeffer était de passage à Montréal dans le cadre du sommet Movin’On, organisé par Michelin, pour appliquer sa théorie au secteur automobile.

Confiance : le mot-clef

« La notion de marque forte est appelée à changer, car ce qui fera la force des marques, c’est la confiance qu’elles inspirent, lance-t-il. D’abord, l’électrification va niveler les chances de succès dans le marché. Ensuite, la conduite autonome va mettre l’accent sur la confiance. Si je confie la vie de ma famille et de mes enfants à une intelligence artificielle, c’est que je suis en mesure de lui faire confiance. »

Ces « marques fortes » ne sont pas nécessairement celles auxquelles on pense, poursuit M. Schaeffer. Certaines marques de luxe attirent les acheteurs malgré une fiabilité mécanique qui n’est pas parmi les meilleures sur le marché. Il va sans dire qu’elles devront améliorer leur rendement avant que leurs véhicules deviennent entièrement autonomes…

Les belles carrosseries éclipsées par l’expérience

Le constructeur américain Tesla est le seul nouveau venu dans l’industrie automobile nord-américaine en plus de 25 ans, mais d’autres acteurs, surtout des sociétés chinoises, cognent à la porte, poursuit l’expert français. Ce qui explique ce phénomène, c’est une stratégie moins axée sur le produit physique que sur l’expérience proposée, dit-il.

« Avec la technologie, ce qui fait la valeur du produit est moins axé sur le matériel, sur la carrosserie et la mécanique, que sur l’expérience et les services embarqués. Ça va mener les constructeurs à revoir la façon dont ils conçoivent leurs véhicules et leurs habitacles. »

— Eric Schaeffer

Ainsi, l’ajout de capteurs intelligents détectant l’état des passagers pour ajuster le comportement du véhicule en conséquence, l’intégration de matériaux plus sophistiqués remplaçant des composants mécaniques plus classiques, comme les éclairages ou les haut-parleurs, provoqueront aussi une transformation du design des automobiles.

Nouveaux matériaux, nouvelles expertises

De nouveaux emplois et de nouvelles expertises verront le jour, liés à la science des matériaux, à l’intelligence artificielle, à l’informatique sans fil, etc.

« Les constructeurs et équipementiers qui ne possèdent aucune de ces expertises seront menacés par de nouveaux venus plus agiles », craint M. Schaeffer.

Évidemment, ces changements vont prendre des années à survenir. De toute façon, on commence à douter sérieusement des promesses de commercialisation des premiers véhicules autonomes dans deux ans…

L'habitacle de l'avenir

En revanche, on commence déjà à voir surgir des véhicules-concepts ou des études de style préfigurant cette évolution. La société française Faurecia a présenté plus tôt cette année son habitacle de l’avenir, où le volant était encastré dans un tableau de bord sur lequel on trouvait un très large écran affichant toute l’information nécessaire pendant un trajet à bord. Chacun des baquets agit comme une coquille de sécurité afin de protéger les occupants en cas d’accident. Divers capteurs promettent de détecter un état de somnolence à temps pour prendre la conduite en charge. Ainsi de suite.

Ces exemples d’intégration technologique visent à rendre l’expérience à bord plus naturelle, voire à créer une transition transparente entre la maison et le bureau, les deux environnements où on passe généralement le plus de temps. « C’est important de comprendre où se situe la voiture dans cet écosystème. Les marques qui sauront se positionner au centre de cet écosystème afin de mieux l’orchestrer seront en meilleure position », conclut Eric Schaeffer. Et leurs clients seront sans doute plus à l’aise, aussi, puisqu’ils sauront qu’ils pourront se rendre à destination en toute confiance.