(Paris) La puissante industrie automobile allemande s’apprête à vivre une humiliation en septembre, avec un salon de Francfort déserté par les grands constructeurs internationaux, à l’exception des Allemands.

« Ce n’est plus une exposition internationale, mais un salon national », résume Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center automotive research (CAR).

« L’industrie automobile allemande est décidément malmenée. Elle a subi le “dieselgate” puis le départ manqué dans l’électrique et maintenant elle risque de perdre sa figure de proue, le salon de Francfort », organisé un an sur deux en alternance avec Paris, estime cet expert.

La liste des absents pour l’édition 2019, du 12 au 22 septembre, est impressionnante. Trois des quatre plus grands groupes mondiaux ont renoncé à un stand pour la totalité de leurs marques : l’ensemble franco-japonais Renault-Nissan-Mitsubishi, le japonais Toyota et l’américain General Motors (GM).

À ceux-là, s’ajoutent l’italo-américain Fiat-Chrysler (y compris Alfa Romeo et Jeep) mais aussi le deuxième constructeur européen PSA, représenté uniquement par son label allemand Opel, alors que ses marques françaises Peugeot, Citroën et DS ne seront pas exposées.

Plusieurs constructeurs haut de gamme seront absents

De grands noms du luxe ont renoncé : Aston Martin, Ferrari, Maserati, Bentley, une marque qui fait pourtant partie du groupe allemand Volkswagen, ou bien Rolls-Royce, filiale de BMW.

Absent aussi le leader californien des véhicules électriques, Tesla, mais aussi Volvo, Suzuki, Mazda.

Le coréen Kia avait initialement prévu de venir à Francfort, mais envisage finalement de renoncer. « On va très certainement vers un retrait de ce salon. Il y a tellement de constructeurs absents que l’intérêt est vraiment moindre », a déclaré à l’AFP un porte-parole de la marque.

« Regarder simplement le nombre de constructeurs ne suffit pas. On ne mesure pas le succès au nombre de mètres carrés des exposants », a estimé un porte parole de la fédération des constructeurs allemands (VDA) Eckehart Rotter.

Il souligne que le salon se rénove cette année avec des conférences, des expériences pour les visiteurs comme des essais de véhicules en ville, et un élargissement aux thèmes de la mobilité (y compris hors automobile avec des parcours en vélo électrique pour les enfants).

Déclin

Mais pour M. Dudenhöffer, la liste des absents est tout simplement « une catastrophe » et le salon a peu de chance de retrouver un jour son aura internationale. « Il est trop tard, on a échoué. »

Même les exposants allemands réduisent leur surface d’exposition. C’est le cas par exemple de BMW, qui a présenté fin juin son offensive électrique lors d’un événement privé à Munich (sud de l’Allemagne) avec six premières mondiales et deux concept cars, sans attendre le salon de Francfort.

Son directeur financier Nicolas Peter a alors indiqué lors d’une table ronde que le groupe allait « réduire la taille de son stand d’un peu plus d’un cinquième ». Le champion du haut de gamme a vu sa rentabilité reculer ces derniers mois et est rattrapé, comme ses concurrents, par les soucis d’économies.

M. Peter a souligné qu’il préférait « investir dans des événements exclusifs du groupe » qui permettent d’attirer l’attention des médias sur ses seules nouveautés, le temps d’une journée.

Genève, Paris, Détroit, Tokyo, dans le même bateau

Le cas de Francfort n’est pas isolé. Les salons de Paris, Genève ou Détroit, pendant des décennies rendez-vous incontournables pour le gotha automobile mondial, sont en grande difficulté depuis une dizaine d’années, avec de plus en plus de constructeurs qui leur tournent le dos.

Seules exceptions, Shanghai et Pékin, où tous les acteurs se pressent encore pour être visibles sur le marché chinois, de loin le premier mondial après vingt ans d’ascension fulgurante.

Un salon coûte cher et devient difficile à justifier quand les constructeurs peuvent montrer au monde leurs dernières nouveautés via des retransmissions sur l’internet. Le contexte économique difficile depuis l’an dernier n’arrange rien.

Et puis les entreprises veulent désormais se montrer sur les salons technologiques, comme le CES de Las Vegas…

« Les groupes automobiles sont face à des besoins en investissements jamais connus. Ils doivent faire des choix », expliquait récemment à des journalistes le président de la Plateforme automobile (PFA) Luc Chatel. Il a rapporté les propos d’un patron d’un constructeur français : « ma règle c’est “pas de salon” sauf si on peut m’expliquer qu’il faut y être, et ça vaut aussi pour Paris ».