(Francfort) Des milliers d’opposants aux voitures et à la pollution qu’elles engendrent ont défilé samedi à vélo à Francfort à l’occasion du salon automobile international, signe que même en Allemagne cette industrie n’est plus une vache sacrée. Dimanche, un groupe de manifestants a bloqué l'entrée du Salon et s'est essayé encore ce matin.

Entre 15 000 et 25 000 manifestants, selon la police et les organisateurs, ont réclamé en début d’après-midi une « révolution des transports », point culminant de la contestation d’une ampleur inédite visant cette année le salon.

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Des manifestants venus à vélo ont bloqué l'entrée du Salon de l'auto de Francfort durant la fin de semaine. Un groupe moins nombreux a tenté la même chose ce matin.

La plupart d’entre eux ont rallié le parc des expositions à vélo depuis plusieurs villes de la région, empruntant deux tronçons d’autoroutes fermés aux voitures pour l’occasion.

Dimanche, un groupe de manifestants appartenant à divers groupes écologistes ont réussi à bloquer l'entrée principale du Centre des congrès Messe Frankfurt, où a lieu le Salon de l'auto de Francfort. La police a d'abord tenté de forcer un chemin pour laisser passer les détenteurs de billets, mais a par la suite dirigé le public vers les entrées secondaires.

« L’industrie automobile est sous pression, elle n’a plus le soutien de la société comme il y a quelques années, car elle a raté des évolutions », explique Tina Velo, porte-parole du groupe environnemental Sand im Getriebe (« Du sable dans l'engrenage »), qui a participé aux manifestations de samedi et dimanche.

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Tina Velo, la professeure de yoga qui met du sable dans l'engrenage de l'industrie automobile.

Tina Velo est un pseudonyme, évidemment, elle s'appelle Janna Aljets et elle enseigne le yoga à Bruxelles et à Berlin lorsqu'elle ne manifeste pas contre l'automobile.

La « génération climat » prend pour cible une branche fragilisée depuis l’éclatement en 2015 du scandale des moteurs diesel truqués chez Volkswagen, et le salon de Francfort cristallise les critiques adressées à ce secteur au moment où l’urgence climatique s’invite dans le débat public.

« Le salon de l’automobile représente le siècle passé », explique à l’AFP Christoph Bautz, directeur du groupe Campact, qui a co-organisé la manifestation. « Nous voulons que l’avenir appartienne aux bus, aux trains et aux vélos – on n’en veux plus de ces gros VUS et voitures qui consomment beaucoup ! »

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Un manifestant s'adresse à la foule grâce à un porte-voix lors d'une action visant à bloquer l'accès au Salon de l'auto de Francfort ce matin.

Cette combinaison d’actions légales et illégales caractérise le mouvement de défense du climat qui progresse depuis des mois en Europe, et prend désormais pour cible une industrie longtemps intouchable par son importance pour l’économie allemande.

Dès l’ouverture à la presse mardi, Greenpeace a lancé la contestation : une vingtaine de militants vêtus de vestes vertes ont gonflé à l’arrière d’un 4X4 un ballon noir géant avec l’inscription « CO2 ».

«L'industrie automobile n'a pas compris la crise du climat»

« L’industrie automobile n’a toujours pas compris la crise du climat », a déclaré à l’AFP Benjamin Stephan, militant de l’ONG. « Les constructeurs doivent en finir avec ces chars d’assaut urbains et arrêter les moteurs à combustion ».

Pour la visite de la chancelière Angela Merkel, le groupe a également manifesté jeudi sur les stands de Volkswagen et de BMW : des manifestants y sont montés sur des VUS et ont déroulé des pancartes montrant des voitures avec l’inscription « Tueuses du climat ».

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Des manifestants ont aussi bloqué les rues menant au Salon de l'auto de Francfort dimanche.

Ces véhicules massifs font encore plus débat en Allemagne depuis qu’un VUS monté sur un trottoir à grande vitesse a tué quatre passants dont un jeune enfant la semaine passée à Berlin. Des voix s’élèvent désormais pour réclamer leur interdiction dans les centre-villes.

Le salon de Francfort « est un endroit symbolique, où les dirigeants politiques rencontrent ceux de l’automobile pour applaudir un système de transports d’un autre temps », dénonce Tina Velo auprès de l’AFP.

« Il faut abandonner la voiture, on veut des villes sans voitures. »

--Tina Velo, écologiste

SAISIE D'ÉCRAN VIDÉO MAGAZINE TAZ

Janna Aljets, alias Tina Velo, a participé à un débat d'une heure et quart avec le PDG du Groupe Volkswagen, Herbert Diess.

Elle représente une fraction plus radicale du mouvement écologiste allemand, prête à des actions illégales pour attirer l’attention, contrairement aux manifestations comme « Fridays for Future ».

En plus des grèves pour le climat à l’appel de Greta Thunberg, des mouvements comme le réseau européen Extinction Rebellion se répandent comme une traînée de poudre de Londres à Berlin, en passant par Paris.

Il s’agit la plupart du temps de bloquer temporairement un lieu : en Allemagne, le groupe « Ende Gelände » (« Terminus ») avait réussi en juin à occuper et forcer l’arrêt temporaire d’une vaste mine à ciel ouvert de lignite.

De quoi galvaniser le mouvement anti-voitures : « ces deux dernières années, le mouvement a clairement pris de l’ampleur et les gens sont devenus plus conscients » de leur impact environnemental, observe Maria Marin, une étudiante vénézuélienne vivant en Allemagne depuis quatre ans.

« Du sable dans les rouages » attend « quelques centaines de personnes » dimanche, assez, selon Tina Velo, « pour perturber le salon ».

L’attention des militants se reportera ensuite vers Berlin, où le gouvernement doit présenter le 20 septembre des mesures pour combattre le changement climatique. Une journée d’ores et déjà marquée par des appels à manifester dans de nombreuses villes allemandes.

Avec La Presse