(Montréal) Pour bien des automobilistes, se déplacer en voiture n’est pas un choix aussi rationnel qu’ils aimeraient le croire.

C’est ce qu’a fait valoir Jérôme Laviolette, doctorant en génie des transports, à l’occasion des portes ouvertes de Polytechnique Montréal, dimanche.

Après un baccalauréat en génie civil et une maîtrise en planification des transports sur l’industrie du taxi, M. Laviolette a choisi d’étudier de façon « plus holistique » la dépendance à l’automobile, en tenant compte de ses dimensions psychologiques et sociales, sous la direction des professeurs Owen Waygood et Catherine Morency.

« C’est un peu différent de ce à quoi on pourrait s’attendre à Polytechnique Montréal en ingénierie des transports », a-t-il reconnu d’entrée de jeu, lors de sa conférence devant de futurs étudiants dimanche après-midi.

Au fil de ses recherches, le boursier de la Fondation David Suzuki constate que la voiture est privilégiée non pas seulement pour son utilité, mais aussi en raison de sa lourde charge symbolique.

« Les gens vont majoritairement répondre qu’ils n’ont pas le choix d’utiliser la voiture parce que c’est plus rapide, plus pratique, plus efficace, expose-t-il. La réalité, c’est qu’il y a énormément d’autres éléments qui nous influencent, de façon plus inconsciente peut-être. »

« Pourquoi quelqu’un achète gros pick-up alors qu’il ne travaille même pas en construction ? » demande-t-il.

À ses yeux, la culture populaire n’y est pas pour rien, avec des franchises telles que Fast and Furious qui véhiculent « l’idée qu’au volant, on est tout-puissant » ou même des films pour enfants comme Cars qui prêtent carrément un visage humain à des bolides.

La possession d’une voiture — ou même, de deux voitures — est indissociable d’une certaine conception de la réussite, au même titre que l’accès à la propriété.

« La voiture représente encore aujourd’hui un certain bien de prestige, une façon d’exprimer notre identité. »

Une dépendance coûteuse collectivement

Face à un tel attachement à la voiture, des mesures comme l’ajout de voies réservées pour autobus peuvent être perçues comme des attaques contre tout un mode de vie.

Face à l’urgence climatique, il ne suffit donc pas d’améliorer l’offre de modes de transport durable. Les autorités doivent également investir pour transformer les normes sociales et accompagner les automobilistes dans une introspection difficile, estime M. Laviolette, qui établit un parallèle avec les offensives contre le tabagisme dans les années 1990.

Car il s’agit d’une dépendance aux coûts faramineux.

Selon l’Institut de la statistique du Québec, le transport constitue le deuxième poste de dépenses des ménages, après le logement, devant l’alimentation. Et ces calculs ne comprennent pas les coûts qui sont assumés par l’ensemble de la société.

« Les différentes taxes sur l’essence, l’immatriculation et tout ça servent à peine à payer le réseau routier entretenu par le gouvernement du Québec. On ne parle même pas du réseau municipal payé en bonne partie par les taxes foncières », a souligné M. Laviolette en entrevue avec La Presse canadienne.

La facture continue de grimper si l’on tient compte des conséquences de la dépendance à l’automobile, sur la santé publique notamment, en raison de la sédentarité, du stress, de la pollution sonore et de la détérioration de la qualité de l’air, entre autres.

Sans oublier les émissions de gaz à effet de serre qui accélèrent les dérèglements climatiques.

« On paie tous collectivement pour ces conséquences-là », souligne M. Laviolette.

Face à l’aménagement actuel du territoire, Jérôme Laviolette reconnaît que la voiture demeure parfois indispensable, mais il exhorte ses utilisateurs à la voir pour ce qu’elle est : « un outil parmi tant d’autres pour se déplacer de façon efficace ».