La filière électrique québécoise peut-elle abriter une supercar à mi-chemin entre une Tesla et une Ferrari ? Car le Tomahawk, un prototype de supercar électrique et « pratique » qui remonte à 2014, devrait déjà sillonner les routes les plus exotiques de la planète. Mais faute d’une aide de la part du gouvernement québécois, Dubuc Motors, le constructeur, ne voit pas comment il arrivera à répondre à cette question par l’affirmative.

« Si on répond à tous les critères, pourquoi on refuse de nous aider ? », s’interroge d’entrée de jeu Mike Kakogiannakis, cocréateur de Dubuc Motors, avec Mario Dubuc, qui a quitté l’entreprise qui porte son nom dans la dernière année. « Depuis cinq ans, on applique pour des programmes d’aide à Québec, toujours sans réponse positive. On a 800 clients potentiels, et même une lettre d’intention d’un homme d’affaires de Trois-Rivières qui mettra 2 millions de dollars dans notre projet, après qu’on ait réalisé une étude de faisabilité. Cette étude coûterait environ 200 000 $ à faire, mais Québec refuse de nous aider à la financer », poursuit-il.

Dans un monde idéal, Dubuc Motors aurait entamé la production de son Tomahawk il y a deux ans. Le constructeur de la Mauricie a réalisé quelques rondes de financement et de précommandes, ces dernières années, qui l’ont mené à conclure qu’il pourrait écouler entre 2000 et 5000 exemplaires dans le monde de sa super sportive électrique d’une puissance équivalant à 800 chevaux. Dérivée du concept Tomahawk qu’on a notamment vu au Salon de l’auto de Montréal en 2014, cette sportive est qualifiée également de « très luxueuse » et de « pratique », puisqu’elle est assez spacieuse pour loger quatre personnes de forte taille. Ça peut sembler anodin, mais on retrouve rarement tous ces qualificatifs en même temps, à bord des voitures exotiques qui inspirent Dubuc Motors et les amateurs de performance sur quatre roues.

La voiture étant, en prime, électrique, elle a évidemment un atout de plus pour se distinguer dans un marché où on rencontre plutôt d’imposantes cylindrées à essence. Est-ce que l’avantage commercial sur papier d’un tel véhicule peut être transposé sur la route, de façon durable ?

C’est la question à 100 000 dollars pour le constructeur de Québec. C’est du moins la somme qu’il demande à Québec pour commander à la firme PwC une étude de faisabilité, dans le cadre d’un programme d’aide provincial visant à stimuler la création d’entreprises à l’extérieur de Montréal.

Une question de (gros) sous

Du côté du ministère de l’Économie et de l’Innovation, on confirme avoir eu des discussions avec les gens de Dubuc Motors au fil des ans. On indique toutefois que l’entreprise incorporée aux États-Unis, qui se fait appeler Paragon au Québec, manque de partenaires privés pour l’aider dans son aventure. « Le partage des risques entre les partenaires privés et le gouvernement devait être mieux équilibré. Le ministère pourra procéder à une nouvelle analyse du projet une fois que les promoteurs auront obtenu un financement privé adéquat pour la réalisation de leur projet », a indiqué un porte-parole à La Presse.

M. Kakogiannakis n’est pas d’accord. Il voit dans l’étude de faisabilité pour laquelle il demande une aide « presque symbolique » la dernière étape avant l’homologation, puis la commercialisation de son véhicule. « Tout le monde dit que ça coûte trop cher à développer, des véhicules comme celui-là, qu’il nous faudra des centaines de millions de dollars, mais ce n’est pas le cas. On ne fait plus des véhicules comme il y a 20 ans. On a l’impression 3D, la modélisation… La technologie existe pour créer des véhicules personnalisés en petit volume », assure-t-il.

Bref, cette rebuffade de Québec fait mal à Dubuc Motors, qui pensait profiter de la volonté de Québec de promouvoir la filière électrique pour se faire un nom. Là, on ne sait pas si on pourra revenir à la charge une ultime fois. « Ça n’envoie pas un bon signal, même pour moi. Après ça, je n’ai pas vraiment d’autres options… », laisse tomber Mike Kakogiannakis, dépité.