Elles sont toutes là, une trentaine de voitures, serrées les unes contre les autres et bichonnées au produit lustrant par des agents du «garage spécial» du Kremlin, une unité qui dépend directement du très secret service des gardes du corps de Vladimir Poutine.

Elles sont toutes là, une trentaine de voitures, serrées les unes contre les autres et bichonnées au produit lustrant par des agents du «garage spécial» du Kremlin, une unité qui dépend directement du très secret service des gardes du corps de Vladimir Poutine.

Ces voitures de prestige sont réunies pour la première fois, à l'occasion des 100 ans du «garage» du tsar, devenu en 1921 sur ordre de Lénine le «garage spécial». Le Kremlin bien sûr, mais surtout les constructeurs et des collectionneurs privés ont prêté leurs joyaux exposés pendant quelques jours dans le cadre d'un salon de voitures anciennes à Moscou.

Vladimir Kireïev, un collectionneur russe, caresse la calandre d'une ZIS-115, une rutilante berline avec des faux airs d'Américaine des années 40.

«C'était le modèle préféré de Staline, une voiture blindée, copiée sur les Packard et les Buick de l'époque», dit-il en remontant le double vitrage d'une épaisseur de dix centimètres de la porte arrière au moyen d'un piston.

En 1979, avec l'invasion de l'Afghanistan par les troupes soviétiques, une poignée de ZIS-115 a connu une seconde vie. «Les chefs afghans pro-soviétiques nous ont demandés des voitures blindées mais nous n'en produisions plus, alors Moscou a envoyé celles-là dans les montagnes afghanes. Elles n'avaient même pas le chauffage, n'ont pas tenu le coup. A leur retour, elles ont fini à la découpe», raconte Vladimir.

Sa voisine, la ZIS-110P, préfigure déjà une nouvelle époque. Pas dans son style, toujours une berline imposante aux formes arrondies, mais par sa capote.

«C'est la voiture utilisée par Nikita Khrouchtchev pour le repos, aller à la pêche, à la chasse. Elle a quatre roues motrices, une première, mais n'est plus blindée et est comme ouverte au monde, à la différence de la voiture de Staline», souligne-t-il.

Signe également des temps et de la déstalinisation voulue par le nouveau secrétaire général du parti communiste soviétique, le ZIS pour «usine Staline» devient en 1956 ZIL ou «usine Likhatchev» du nom du directeur de l'entreprise.

Dans la foulée, les fameuses Zil reconnaissables à leur forme brute et à leurs angles droits apparaissent.

Ici un modèle de Zil 111 B utilisée en avril 1961 pour la parade à Moscou du premier homme dans l'espace, le «pilote-inspecteur-cosmonaute» Iouri Gagarine. «Elle était verte, comme la couleur des uniformes militaires de l'époque, pour que l'ensemble soit harmonieux», raconte un mécanicien du «garage» du Kremlin en pointant une innovation technologique : «la capote électrique».

Ensuite, les ingénieurs du «bureau d'études n°6», une usine «surveillée en permanence par le KGB» dit le même mécanicien les yeux brillants, conçoivent la Zil 114, «matrice de toutes les berlines des dirigeants soviétiques».

Grand amoureux des voitures dont il faisait aussi grande consommation en raison de ses écarts de conduite, Léonid Brejnev s'était même fait faire une Volga aux essieux surélevés pour rouler par tous terrains, à la campagne.

Pour la première fois, les autorités russes exposent la Zil-41072 ou «Scorpion», exclusivement utilisée par les services spéciaux qui protégeaient le président Boris Eltsine.

Plus qu'une voiture, il s'agit d'une machine de guerre qui permet «en appuyant sur un bouton et en moins de trois secondes de faire voler en éclats son toit et ses vitres pour que les gardes du corps puissent tirer à la mitraillette» sur des éventuels agresseurs, selon un responsable du «garage» du Kremlin.

Le patron du «garage», qui se présente simplement comme «général», regrette que Vladimir Poutine se déplace à bord d'une limousine Mercedes.

«Le bureau d'études de Zil ne conçoit plus de nouveaux modèles depuis 1986, nous sommes bien obligés de prendre ce qu'il y a de mieux, donc une Mercedes», assure-t-il avant de se reprendre : «Mais nous pensons à y remédier. Attendez».