On s'était habitué à des enseignes comme Chevrolet- Hummer-Cadillac chez les concessionnaires GM. Mais Hummer-Colt-Browning-Smith & Wesson?

Un concessionnaire Hummer de la région de St. Louis, au Missouri, a trouvé une façon ingénieuse et typiquement américaine de compenser ses revenus en baisse et éviter que sa concession automobile flambant neuve soit reprise par la banque.

 

Jim Lynch n'est pas un idiot. Il avait remarqué que les clients étaient plus rares depuis quelques temps. Il n'est pas resté les bras croisés à attendre que le huissier vienne mettre les scellés dans les portes de verre incassables de son Taj Mahal de 7,5 millions de dollars US, tout en verre, construit à côté de son propre terrain d'essai de 60 acres où les gens peuvent essayer un Hummer dans la bouette et les cailloux.

 

Il fallait trouver une nouvelle source de revenus lorsque le 4X4 quasi-militaire de GM est tombé en défaveur à cause de ses excès, notamment sa consommation d'essence mais aussi, peut-être, le fait qu'il puisse broyer une Smart sans que le conducteur du Hummer ne s'en rende compte en rentrant d'une expédition au 7-Eleven local.

 

«Guns & Hummers»

 

Alors Jim Lynch Hummer Inc, de Chesterfield (à 40 km de St. Louis), a fait entrer du nouvel inventaire : des fusils d'assaut, des pistolets, des revolvers et des carabines Glock, Sig Sauer, Colt, Beretta et Browning. Le département des pièces automobiles consacre maintenant une partie des étagères aux munitions.

 

M. Lynch a commencé à s'apercevoir il y a environ deux ans qu'il devrait vendre autre chose que le Hummer s'il voulait rester en affaires. « La demande a commencé à baisser tout doucement ; puis, avec le prix de l'essence, mes ventes ont vraiment pris une débarque. Et après ça, encore plus avec la crise économique... », a expliqué le concessionnaire et marchand d'armes au quotidien News-Democrat, de Belleville, la municipalité voisine.

 

Durant le bon vieux temps (en 2005), la concession de M. Lynch pouvait vendre 70 Hummer durant les bons mois. Aujourd'hui, il est très content quand il parvient à en vendre 10, a-t-il déclaré au quotidien St.Louis Post-Dispatch. La moyenne est plutôt de sept par mois.

 

M. Lynch s'est mis alors à la recherche d'un produit qu'il pourrait incorporer naturellement à son offre existante, un bon « compagnon de tablette » pour le Hummer, comme on dit dans les dépanneurs. Il a tenté sa chance dans le créneau de ce que les Américains appellent pudiquement les « sportsmen », les chasseurs et autres amateurs de bang-bang : le plein air, mais armé.

 

Bang-bang + vroum-vroum = $$$

 

«Bien voyez-vous, bon nombre de nos propriétaires de Hummer possédaient déjà des armes, explique M. Lynch au News Democrat. Alors, la réaction a été très favorable. À cause du déclin du Hummer, nous n'avions plus assez de revenus pour garder ce grand et magnifique bâtiment ouvert, alors on a décidé qu'il nous fallait faire autre chose. Et les armes à feu sont parfaites pour notre clientèle... beaucoup de sportsmen, beaucoup d'amateurs de plein air. Ils adorent ça.»

 

Pour pouvoir vendre des armes, M. Lynch a obtenu un permis du Bureau de l'alcool, du tabac et des armes à feu, l'organisme fédéral qui encadre ces types de commerce aux États-Unis. Il n'a pas eu à aller bien loin pour trouver de l'expertise en armurerie pouvant servir aux ventes d'armes à feu : «Par chance, certains de nos employés avaient déjà été dans le commerce des armes auparavant. Un de nos employés au département des pièces est un ancien policier, qui a déjà été armurier et qui fait de la compétition en tir. Aussi, on a engagé l'ancien représentant régional de Glock durant 11 ans. Il a pris sa retraite de chez Glock pour se joindre à nous.»

 

«Des armes que je n'ai jamais vues ailleurs»

 

Les clients de M. Lynch sont ravis et ses nouvelles activités lui amènent plein de nouveaux clients.

 

Lisez ce qu'ils ont dit au journaliste du News-Democrat : «Je pense que c'est formidable, a dit Graham Hill. Je pense qu'il a de nombreuses pièces intéressantes ; il y a des armes là-dedans que je n'ai jamais vues ailleurs.»

 

Manifestement, M. Lynch a bien étudié la concurrence avant de se lancer de se faire marchand d'armes. «Je suis un enthousiaste d'armes à feu. Ses prix sont comparables à ceux des autres magasins d'armes du coin», dit Jim Pritchard, qui dit être venu sur place pour le bang-bang, pas pour le vroum-vroum.

 

Russell Henderson était en pâmoison devant le stock de munitions de M. Lynch : «Ils ont une super sélection, j'ai acheté plusieurs sortes de munitions introuvables ailleurs. Même certains 9 mm qui sont de plus en plus rares. Et le .38 Spécial, au contraire, qui devient difficile à trouver justement parce qu'il est de plus en plus en populaire. Ils en ont une bonne sélection, ici.»

 

M. Lynch a converti quatre salles de montre automobiles à la vente d'armes à feu et de munitions. Les ventes d'armes à feu compensent pour la vente de 15 Hummer par mois, a-t-il dit au Post-Dispatch de St. Louis. Il pense convertir sa piste d'essai de Hummer de 60 acres en un complexe de tir extérieur. Il pense aussi ajouter d'autres gammes de produits de plein air, arbalètes, arcs, tentes et pourquoi pas ? des canots et des kayaks.

 

GM atteinte par une balle perdue

 

Tout le monde n'est pas ravi, cependant, de la diversification de M. Lynch. On est très contrarié chez General Motors, qui demeure propriétaire de Hummer jusqu'à la vente imminente de la marque aux Chinois.

 

Un porte-parole a dit au Post-Dispatch que M. Lynch n'a jamais demandé la permission à GM de faire ces changements, ce qui est contraire à son contrat, puisque tout ajout d'un produit est sujet à l'approbation du constructeur automobile. Le porte-parole n'a pas voulu dire quelle est la position de GM face aux ventes d'armes à feu, mais il a dit que la compagnie va essayer de trouver une solution faisant l'affaire des deux parties.

 

GM ne dit pas qu'elle s'objecte à ce que ses 4X4 soient vendus côte à côte avec des .38 et des 9 mm, c'est une question de précédent. Si GM ouvre grand les portes, qu'est ce que le prochain concessionnaire va faire entrer dans sa concession pour arrondir ses fins de mois ?

 

GM va probablement regarder dans l'autre direction pour quelques temps : elle a accepté de vendre Hummer à la firme chinoise Sichuan Tengzhong Heavy Industrial Machinery Co. D'ici quelques semaines, si la vente se concrétise, M. Lynch et ses pétards seront le problème de quelqu'un d'autre.

 

Le site internet de M. Lynch est www.gunsandhummers.com et ça vaut la peine d'y aller juste pour voir le bâtiment et les nouveaux rayons d'armes à feu.

 

Malheureusement, on a récemment retiré du site un extrait audio de l'émission radiophonique du commentateur d'extrême droite Rush Limbaugh. On entend parfois parler de Rush Limbaugh ici, au Québec, mais l'écouter de vive voix est quelque chose.

 

Dans l'extrait jadis proposé sur le site de Lynch Guns & Hummers, l'influent tribun radiophonique mentionne les malheurs de la concession de M. Lynch. Il part ensuite sur une tirade surréaliste sur les vertus démocratiques du Hummer. Selon lui, les Irakiens, qui viennent d'être libérés et «sortis du VIIe siècle» par les États-Unis, adorent les Hummer et en achètent autant qu'ils peuvent «sans rabais et avec tout plein d'options». Par contraste, il déplore que les États-Unis, «la plus grande super-puissance du monde entier, le plus grand bastion de la liberté de toute l'histoire» se détournent de ce «grand véhicule», une situation pour laquelle M. Limbaugh blâme personnellement... le président Barack Obama «et la gauche américaine».

 

Par chance, La Presse Auto/MonVolant.ca a gardé l'émission où M. Limbaugh parle du Hummer. Un bijou.

Si votre lecteur audio internet n'est pas compatible avec ce format, téléchargez Winamp et mettez-y directement le fichier.

 

Ça vaut la peine.

 

Sources : Belleville News Democrat; St.Louis Post-Dispatch



 

Photo Jim Lynch Hummer Inc.

Jim Lynch a converti quatre salles de montre automobiles à la vente d'armes à feu et de munitions. Les ventes d'armes à feu compensent pour la vente de 15 Hummer par mois.