Ici, peu de gens ont eu l'occasion d'en conduire une, mais tout un chacun s'en fait une idée très précise. Une Alfa Romeo, c'est un moteur sanguin, un tempérament combatif, mais aussi une ligne incendiaire, comme la couleur de sa robe. Une définition qui colle parfaitement à la 4C. Peut-être même un peu trop.

Dans quelques semaines, le trèfle à quatre feuilles, emblème d'Alfa Romeo, reverdit sur nos terres. Il était temps. Pas si sûr. Depuis son retrait de la scène automobile canadienne, la marque milanaise représentait un chef-d'oeuvre en péril. Son intégration au groupe Fiat (1986) n'a pas été aisée, pas plus que son passage - obligé - à la traction ou la présence de mécaniques signées General Motors sous son capot. Voilà autant de piqûres administrées au cours des dernières années susceptibles d'éradiquer à tout jamais le célèbre virus dont les amateurs d'Alfa Romeo se félicitent d'être atteints.

À penser à l'ambitieux dessein et aux sommes budgétées par Sergio Marchionne, Alfa Romeo va retrouver sa superbe. D'ailleurs, d'ici quatre ans tout au plus, une gamme complète et diversifiée relèvera de son commandement. On nous promet des forces vives et fraîches pour entreprendre la croisade que le constructeur milanais entend mener contre les marques de prestige, notamment les allemandes d'Audi et de BMW.

Pasta americana



Avant de voir croître des trèfles dans le pré carré du luxe automobile, Alfa Romeo n'a d'autres choix que d'exploiter son - unique - atout, la 4C. Il s'agit d'un minuscule biplace, à peine plus long qu'une Toyota Yaris, mais enveloppé dans une carrosserie trapue, certes, mais nullement dénuée d'élégance.

En fait, contrairement aux dernières Alfa neuves vendues chez nous (Milano et 164), la 4C abandonne la silhouette en coin et adopte plutôt des formes plus rebondies qui ajoutent de la sensualité à son allure sportive. Basse et élancée, comme sculptée dans la masse, cette auto subtilise certains traits à la glorieuse 33 Stradale des années 60. À ce sujet, l'oeil averti ne manquera pas de relever l'asymétrie entre les ailes avant et arrière. À l'avant, la calandre triangulée ornée d'un des plus beaux logos du monde (avec celui des Blackhawks de Chicago) et la musculeuse partie arrière au vitrage triangulaire, coiffée en son sommet d'une petite casquette et enrichie dans sa partie inférieure de deux sorties d'échappement.

Produites chez Maserati à Modène, les 4C destinées à l'Amérique du Nord nous sont spécifiques. Coupons court sur la dotation en équipements et les incontournables demandes de la clientèle nord-américaine comme l'impérative nécessité d'aménager des porte-gobelets à bord. Il y en a deux. Contents? En fait, l'aspect le plus grave - pour un puriste, s'entend - touche l'ajout d'une centaine de kilos au poids d'un véhicule dont le cahier de charges visait un rapport poids-puissance optimal. Les ingénieurs de la marque italienne soutiennent que la faute incombe à la législation américaine en matière de sécurité automobile, qui nécessite des renforts supplémentaires et l'ajout de coussins gonflables additionnels.

Donc, l'idéal pour ne pas trop être pénalisé sur le plan des performances consiste à laisser le passager et son bagage sur le trottoir... Ceci n'est pas une blague, plutôt une recommandation.

En effet, le «copilote» n'éprouvera à peu près aucun plaisir. Les ajustements du siège - cela vaut aussi pour celui du conducteur - sont très limités, voire pratiquement inexistants, il ne trouvera aucun endroit pour y poser ses coudes et s'il a le malheur d'avoir de longues jambes, eh bien, dites bonjour à vos genoux. Quant au coffre, il n'est guère gourmand. Deux petites valises souples et le voilà qui affiche complet.

Moi, moi et Alfa



Cessons de nous égarer avec pareilles futilités. L'univers de la 4C tourne autour de son pilote. Le bloc d'instrumentation n'occupe pas plus d'espace que celui juxtaposé sur le guidon d'une moto.

À certains égards, dommage qu'il ne soit pas aussi minimaliste, car la marque milanaise a éprouvé le besoin de le farcir comme les raviolis du Chef Boyardee. En clair, trop. C'est confus, insuffisamment imagé, donc difficile à consulter. Qu'importe.

Le volant, avec sa partie inférieure plane, offre à nos mains une jante bien charnue et, contre toute attente, ne compte que pour seul accessoire le klaxon. Dans un monde idéal, on aurait retrouvé les commandes d'essuie-glace et des clignotants à la manière d'une Ferrari 458 pour abattre la forêt de leviers enracinés contre la colonne de direction à la fois inclinable et télescopique. Et un bouton-poussoir pour éliminer cette encombrante clé.

Dans un habitacle aussi étriqué, est-il besoin de dire que tous les accessoires - tous empruntés à la grande série - se trouvent à la portée de la main?

La finition est correcte, sans plus, et le choix des matériaux détonne avec le prix que cette auto commande. Au pied de la console centrale, point de levier à baratter comme un damné. En lieu et place, on retrouve quatre boutons pour faire avancer ou reculer cette auto. Plus bas, en aval, une plaque nickelée dans laquelle sont engravées les lettres D-N-A le long d'un curseur qui permet de paramétrer de manière plutôt basique certaines composantes mécaniques.



Pique, carreau, coeur et trèfle



Sur papier, la 4C a tout bon. Un peu de carbone, beaucoup d'aluminium, un coeur à la bonne place (au centre) et des roues arrière pour mode d'entraînement. Il ne manque seulement qu'une boîte manuelle pour satisfaire à notre bonheur, mais les ingénieurs d'Alfa nous rassurent que la boîte double embrayage (DCT) est plus rapide, mais hélas dotée de palettes au volant maigrichonnes et fragiles.

La cylindrée est modeste (1,7 L), mais la suralimentation par turbocompresseur opère sa magie et extrait du petit bloc en aluminium 237 chevaux. Cela se ressent (0-100 km/h en 4,5 secondes) et s'entend aussi. De l'extérieur, comme de l'intérieur puisque la 4C n'a ni moquette ni matériaux pour étouffer cette mécanique qui souffle, qui rugit, qui pète (au sens figuré du terme) et qui siffle dans votre dos.

Doux à l'oreille? Pas du tout, mais le sentiment que la cylindrée a trois fois la taille qu'elle a réellement. La boîte DCT mitraille en rafale les quatre premiers rapports. Woan, woan, woan, woan... Le ton est donné, la poussée énergique.

La direction anormalement lourde à basse vitesse s'allège comme une montgolfière qui s'élève. La transition surprend autant que la rapidité à laquelle le pignon se déplace sur la crémaillère. On finit par s'y faire. Peu à peu, les mains sur le volant se calment, s'assouplissent et apprennent à économiser leurs interventions.

Dès lors, la 4C répond présente et se glisse dans les virages en toute neutralité en veillant à faire remonter dans sa colonne de précieuses informations sur l'état de la chaussée et son seuil d'adhérence. Du bonbon, mais pas pour tout le monde, j'en conviens.

Même si les suspensions sont étonnamment prévenantes pour une auto de ce gabarit, la 4C ne fait absolument aucune concession au confort. Les bruits mécaniques sont omniprésents, le roulement est ferme. Les plus irréductibles des Alfistes ne parleront pas de défauts, mais de traits de caractère. Il n'est pas certain que les nouveaux convertis partageront cet avis.

Les frais de transport et d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par Alfa Romeo USA

L'essentiel

> Marque/modèle : Alfa Romeo 4C

> Fourchette de prix : 61 995 $ à 75 995 $

> Frais de transport et préparation : 1995 $

> Garantie de base : 4 ans/80 000 km

> Consommation observée : nd

> Pour en savoir plus : https://4c.alfaromeo.com/fr_ca

Fiche technique

> Moteur : L4 DACT 1,7 L suralimenté 

> Puissance : 237 ch à 6000 tr/min

> Couple : 258lb-pi à 4800 tr/min

> Rapport poids-puissance : 4,71 kg/ch

> Poids : 1118 kg

> Mode : Propulsion

> Transmission de série : Semi-automatique à 6 rapports

> Transmission optionnelle : Aucune

> Direction/Diamètre de braquage : Crémaillère/12,1 m

> Freins av-arr : Disque/Disque

> Pneus (av-arr) : 205/45R17 - 235/40R18

> Capacité du réservoir/Essence recommandée : 40 L/Super

On aime

> Pureté de la conception

> Agilité diabolique

> Tempérament de feu

On aime moins

> Direction très lourde dans les manoeuvres

> Usage très limité

> Confort inexistant