Tirer profit des avantages du diesel sans en subir les conséquences est le grand défi qui se présente aux constructeurs et équipementiers automobiles. Volkswagen n'a pas su respecter les normes et s'est fait prendre. D'autres constructeurs sont aussi dans la ligne de mire des autorités environnementales. Bref, est-il possible de rendre le diesel vraiment propre?

Le catalyseur à injection d'urée

Les oxydes d'azote (NOx) produits par les moteurs diesels sont les plus difficiles à filtrer. La réduction catalytique sélective est une technologie éprouvée qui consiste à injecter dans le catalyseur une solution d'eau et d'urée, dont l'ammoniac réagit avec les NOx pour former de l'azote et de la vapeur d'eau, inoffensifs. La technologie Bluetec, mise au point par Mercedes, arrive à réduire de 80 % les émissions de NOx. Par contre, l'urée a tendance à geler par temps froid et son réservoir doit être fréquemment rempli. Le dispositif ajoute donc du poids au véhicule, ce qui gêne sa consommation et ses performances, en plus d'être relativement coûteux. C'est pourquoi il a été jusqu'à présent surtout utilisé sur les poids lourds et les véhicules haut de gamme.

Le filtre à particules

Ce filtre en nid d'abeille a pour objet de capter les suies qui s'échappent des moteurs diesels. Il est généralement composé de carbure de silicium, très résistant à la chaleur. Lorsqu'il est encrassé, le filtre doit être nettoyé, sans quoi le rendement du moteur est considérablement réduit. Les injecteurs envoient alors un surplus de carburant dans le pot catalytique de façon à ce que les dépôts de suie puissent brûler. Si jusqu'à 99 % de la masse de la suie produite par les moteurs diesels est aujourd'hui filtrée, il reste que des centaines de milliards de nanoparticules arrivent encore à s'échapper. Toutefois, certains constructeurs, comme le français PSA, soutiennent que leurs filtres ont un rendement 60 fois plus efficace que celui exigé par les normes les plus sévères.

Nouvelles technologies

En plus des filtres, les chercheurs espèrent aussi améliorer le fonctionnement même du moteur diesel, notamment en abaissant la température de la combustion dans les cylindres. « C'est le nerf de la guerre, soutient Louis Fradette, professeur à Polytechnique. Si on arrive à générer assez de chaleur à plus basse température, cela va avoir un impact direct sur les émissions. » Or, de nombreuses recherches portent sur des procédés de combustion à basse température. L'une d'elles, brevetée, consiste à injecter consécutivement dans la chambre de combustion au moins deux carburants ayant des points d'ébullition bas et hauts. De l'essence et du diesel dans le même moteur? Qui sait?

Super diesel

Certaines stations-service offrent depuis peu deux types de carburant diesel, ordinaire et super, un peu comme pour l'essence. Le super diesel propose un meilleur indice de cétane, une mesure qui permet de déterminer la facilité avec laquelle le carburant s'enflamme sous pression. Plus la combustion est rapide, plus l'indice de cétane est élevé. Le diesel haut de gamme offert chez nous n'a pas nécessairement été raffiné avec un indice de cétane plus élevé ; on l'améliore en y incorporant un additif qui a la propriété de se décomposer à une température plus basse que le diesel. La combustion est donc plus complète, les risques d'une postcombustion sont réduits, le moteur offre un rendement plus doux et, dans une moindre mesure, plus propre.

Indice de cétane du diesel ordinaire: de 42 à 45 en Amérique du Nord, 51 en Europe

Indice de cétane du super diesel: au-delà de 60

Le biodiesel, une réelle solution?

Cousin du « pétrodiesel », le biodiesel est très semblable dans sa composition moléculaire. Il est bien souvent moins énergétique, ce qui se traduit par des émissions un peu plus élevées de CO2. « Par contre, le biodiesel provient de plantes ou de gras animal, des sources qui ont tout récemment consommé du carbone qui était dans l'atmosphère, explique Louis Fradette. Forcément, ça brise la chaîne du carbone des carburants fossiles, qui se compte en milliards d'années. » Aussi, le biodiesel produit peu de monoxyde de carbone, peu de particules fines et peu d'hydrocarbones. Mais comme il est plus riche en oxygène, il rejette plus de NOx, l'ennemi numéro un du carburant diesel...

Les normes

Ce sont les normes nord-américaines, beaucoup plus restrictives, qui ont poussé Volkswagen à trafiquer le système antipollution de ses véhicules diesels. Le tableau qui suit permet de mieux jauger les nuances entre les normes en vigueur chez nous et outre-Atlantique.

Limites d'émissions polluantes - NOx et hydrocarbures (Moyenne pour la gamme complète de véhicules diesels d'un constructeur donné)

AMÉRIQUE DU NORD

NOx et hydrocarbures

Tier 2 - 2004: 100 mg/km

Tier 3 - 2017: 53,75 mg/km

Tier 3 - 2025: 18,75 mg/km

Particules fines

Tier 2 - 2004: 6,25 mg/km

Tier 3 - 2017: 1,875 mg/km1

Tier 3 - 2025: 1,875 mg/km

Souffre

Tier 2 - 2004: 15 ppm

Tier 3 - 2017: 10 ppm

Tier 3 - 2025: 10 ppm

EUROPE

NOx et hydrocarbures

Euro 5 (2009 à 2014): 230 mg/km

Euro 6 (2014-2017): 170 mg/km

Euro 6c (2017-2020): 170 mg/100 km2

Particules fines

Euro 5 (2009 à 2014) :5 mg/km

Euro 6 (2014-2017): 4,5 mg/km

Euro 6c (2017-2020): 4,5 mg/km2

Souffre

Euro 5 (2009 à 2014): 50 ppm

Euro 6 (2014-2017): 10 ppm

Euro 6c (2017-2020): 10 ppm

Note 1: Introduction graduelle jusqu'en 2020.

Note 2: À partir de septembre 2017, les mesures seront prises en suivant la nouvelle procédure d'essai mondiale harmonisée, qui comprend des essais sur route. Elle est beaucoup plus sévère (et réaliste) que les analyses du cycle européen actuellement en vigueur.

L'hybride au secours du diesel?

Avec les normes sévères en vigueur en Amérique du Nord, plusieurs constructeurs ont choisi de bouder notre marché ou de retarder le lancement de modèles à moteurs diesels présents ailleurs dans le monde. D'autres ont triché, on le sait maintenant.

On pourrait donc croire le diesel condamné, du moins dans nos contrées. Ce qui donnerait raison aux constructeurs qui ont choisi de faire confiance aux modes de propulsion hybride. « Ça peut être une bonne poussée pour l'hybride, a reconnu Louis Fradette, professeur à Polytechnique Montréal. Mais leur prix reste encore prohibitif. Pour ma part, je préfère choisir un véhicule à essence qui consomme peu, mais qui va m'offrir beaucoup plus de confort qu'une hybride vendue au même prix. »

Par contre, le professeur Fradette ne croit pas qu'on puisse un jour rouler avec un moteur à essence qui peut consommer aussi peu qu'un litre tous les 100 km. Selon lui, le rôle du moteur à combustion interne sera celui de génératrice dans une mécanique hybride, un peu comme dans la Chevrolet Volt. Ce qui pourrait justement représenter le salut pour un moteur diesel équipé des toutes dernières technologies antipollution. « Dans un système à générateur, où le moteur tourne de façon constante à bas régime, je choisirais une génératrice à diesel, à coup sûr, a affirmé le chercheur. Dans ces circonstances, je suis convaincu que le moteur diesel va l'emporter sur toute la ligne sur le moteur à essence, sachant ce qu'il peut donner comme énergie. D'ailleurs, toutes les grosses génératrices fonctionnent au diesel.

« D'autant plus que le marché du diesel est une industrie qui génère des centaines de milliards de dollars par année, a enchaîné Louis Fradette. L'enjeu est trop important pour abandonner; si ce ne sont pas les gouvernements, ce seront les pétrolières qui vont arriver avec des technologies avancées. Je suis certain que le diesel n'a pas dit son dernier mot. »

Ça évidemment, c'est en attendant l'obsolescence des carburants fossiles. Ce qui n'est, malheureusement, pas demain la veille.

PHOTO FOURNIE PAR PEUGEOT

La Peugeot 3008 HYbrid4