Les dernières statistiques publiées sur les vols de véhicules au Québec ont mis en exergue la caractéristique principale du problème : si votre véhicule fait partie des plus fréquemment volés, c'est parce qu'il est très prisé à l'étranger. Et il transite inévitablement par les ports de l'est du pays, à commencer par celui de Montréal.

« Montréal est reconnu, comme Halifax, pour avoir un port qui favorise l'exportation des véhicules volés. »

Ce constat d'Anne Morin, responsable des affaires publiques au Bureau d'assurance du Canada (BAC), ne date pas d'hier. Et se reflète encore dans les statistiques des vols de véhicules répertoriés pour l'année 2015 au Québec.

Combien d'autos volés dans ces conteneurs? Photo: Robert Nadon, La Presse

Les clients des voleurs ont leurs préférences

La liste des 10 véhicules les plus fréquemment volés est d'ailleurs significative : Toyota 4Runner, Lexus RX350, Toyota FJ Cruiser et Infiniti QX60 sont très prisés.

Que ce soit des modèles 2011 ou 2015. Et leur présence dans ce classement date de plusieurs années.

Le BAC et son pendant provincial, le Groupement des assureurs automobiles, précisent qu'il s'agit des véhicules les plus souvent volés en proportion du nombre de véhicules assurés, et non pas en nombres absolus. Par exemple, 23 Toyota 4Runner 2015 seulement ont été volés l'an dernier sur un total de 306 exemplaires assurés contre le vol. Sa fréquence de vol est cependant la plus élevée (7,52 %) du parc automobile.

« Ce n'est pas le véhicule le plus en circulation au Québec », fait remarquer Anne Morin. Mais il est particulièrement recherché. Pour ses caractéristiques et ses qualités.

Le Toyota 4Runner est fréquemment volé au Québec. Photo: Toyota

Les vols motivés par «une demande à l'exportation»

Ces VUS récents à quatre roues motrices « correspondent clairement à une demande à l'exportation, [...] une demande forte », commente Mme Morin. Un constat établi au Québec, en Ontario et, dans une moindre mesure, dans les provinces atlantiques, faut-il souligner.

Ces véhicules volés se retrouvent le plus souvent au Moyen-Orient, en Afrique et en Europe de l'Est. Si l'on ignore combien de véhicules traversent chaque année l'océan Atlantique, on sait que le nombre de saisies annuelles au port de Montréal a oscillé entre 272 (en 2011) et 415 (en 2013) au cours des cinq dernières années, selon des chiffres obtenus auprès de l'Agence des services frontaliers du Canada.

Immatriculés au Québec et en Ontario, les véhicules saisis sont retrouvés dans les conteneurs.

« On en retrouve en pièces détachées, on en retrouve intacts, d'autres maquillés, c'est-à-dire la plaque d'immatriculation enlevée ou le numéro de série déjà changé », précise Réal Berger, directeur des Services d'enquête du BAC au Québec.

Le Lexus RX350 qu'on vous a volé est peut-être rendu dans un pays chaud et lointain. Mais dites-vous qu'il fait un heureux là-bas. Photo: Toyota

Les ports de l'Est, bases avancées du crime organisé

Ce problème dans les ports de l'Est canadien est connu depuis des années. Ni la Gendarmerie royale du Canada ni le Service de police de la Ville de Montréal ne veulent faire de commentaires sur le modus operandi des criminels.

«Le noyau dur des vols va être beaucoup plus difficile à contrer parce qu'il va être le fruit de réseaux beaucoup plus organisés», ajoute Mme Morin.

Au Port de Montréal, on se dit au courant du problème, mais on tient à préciser que «le Port n'a aucune idée de ce que les conteneurs contiennent. On n'a pas de contrôle. On facilite le travail des enquêteurs, on n'est pas maître d'oeuvre des enquêtes », dit Sophie Rioux, vice-présidente aux Affaires publiques du Port de Montréal.

« On exerce un contrôle des marchandises à l'exportation et on fait un travail de ciblage des données», explique Dominique McNeely, porte-parole de l'Agence des services frontaliers du Canada. 

«On n'ouvre pas chacun des conteneurs, on fait un choix stratégique. L'enquête est effectuée par un corps de police. Mais c'est nous qui repérons les véhicules et ouvrons les conteneurs »,

Toyota a annoncé qu'il cessera la production du FJ Cruiser, peut-être que les clients étrangers des voleurs en commanderont moins. Photo: Toyota

Corolla, RAV4 et Civic au Top-3 des autos volées

En chiffres absolus (et non en pourcentage, comme dans le tableau ci-haut), toutes années-modèles confondues, les trois voitures les plus volées l'an dernier au Québec étaient :

1) Toyota Corolla (320 vols pour 183 758 exemplaires assurés)

2) Toyota RAV4 (237 vols pour 52 111 exemplaires assurés)

3) Honda Civic (205 vols pour 195 839 exemplaires assurés).

Corrélation, ces véhicules sont parmi les plus populaires du marché québécois.

Baisse marquée des vols depuis 2005

L'obligation d'installer des dispositifs antivol, les GPS, les comportements plus prudents des consommateurs et les registres obligatoirement tenus par les recycleurs sont entre autres des facteurs qui ont contribué à une baisse importante des vols de véhicules au Québec depuis 2005. Leur nombre est passé de 15 733 cette année-là à 5082 l'an dernier.

Coût moyen en hausse

En 10 ans, le coût moyen d'un vol de véhicule a augmenté de 30,3 % au Québec, passant de 13 625 $ en 2005 à 17 755 $ en 2015. Cette hausse va de pair avec l'augmentation de la valeur moyenne d'un véhicule. Ces sinistres et leurs frais de règlement ont représenté l'an dernier un total de 90,2 millions de dollars dans la province, en baisse de 58 % par rapport à 2005. Une baisse qui est liée à la chute du nombre de vols.