Plusieurs centaines de chauffeurs ont manifesté leur colère ce matin à Paris contre les plates-formes de réservation de voitures avec chauffeur, Uber en tête. Des centaines de berlines noires ont bloqué un des accès à Paris, pour dénonceer les ravages de «l'ubérisation», synonyme pour les chauffeurs d'«esclavage moderne».

Les organisateurs ont annoncé leur intention de recommencer vendredi aux petites heures, avec des barrages prévus dans la nuit à l'aéroport de Roissy.

«Uber a saigné les chauffeurs» et «Uber  esclavage moderne», pouvait-on lire sur les banderoles déployées porte Maillot, dans l'ouest parisien, où entre 400 et 500 berlines noires étaient garées jeudi après-midi, a constaté un journaliste de l'AFP.

Circulation bloquée, opération escargot

La circulation était totalement interrompue, les accès bloqués par les policiers anti-émeute qui laissaient sortir au compte-gouttes les chauffeurs souhaitant s'en aller.

Dans la matinée, le trafic aux abords de l'aéroport de Roissy avait également été touché en raison de barrages filtrants installés par une trentaine de VTC («voitures de transport avec chauffeur»), selon des sources aéroportuaires. Les chauffeurs ont ensuite organisé une opération escargot vers Paris.

Les organisateurs syndicaux dénoncent «l'humiliation» que leur feraient subir les plates-formes de réservation, en pratiquant notamment une politique tarifaire jugée défavorable aux chauffeurs et décidée sans concertation.

«Uber nous a vendu du rêve, la réalité est un cauchemar», a affirmé Jean-Luc Albert, président d'Actif VTC, qui demande des tarifs «concertés» et un «droit de réponse» pour les chauffeurs qui subissent des déconnexions «arbitraires».

Mêmes tensions qu'à Montréal

Sur le pare-brise des berlines garées porte Maillot, un tract syndical dénonçant la «servitude du numérique» et le «chantage au chômage», appelait tous les «UberUsés» à débattre «dans un colloque à ciel ouvert».

«On avait un métier en or, ils l'ont transformé en un job archi-précaire», a tonné au micro Sayah Baaroun, secrétaire général du syndicat Unsa-VTC.

À ses côtés, la conseillère municipale Danielle Simonnet s'est livrée à une charge contre l'ubérisation, synonyme de «paupérisation» pour des travailleurs qui font «plus de 70 heures par semaine pour à peine toucher le Smic» (le salaire minimum). 

Le député socialiste Laurent Grandguillaume, auteur d'un projet de loi censé rééquilibrer le rapport de force entre chauffeurs et plates-formes comme Uber, a lui aussi apporté son soutien aux manifestants.

«Uber a défié l'État»

«La paupérisation des chauffeurs est une réalité. Uber a défié l'État, aujourd'hui les chauffeurs VTC mettent Uber au défi de les respecter», a-t-il écrit sur Twitter.

La récente hausse des tarifs d'Uber à Paris n'a pas calmé la colère des associations de chauffeurs car le géant américain a aussi relevé la commission prélevée sur chaque course.

Et cette annonce, soulignent ces associations, n'efface pas la baisse unilatérale de 20 % du tarif décrétée par Uber en octobre 2015.

Une fois les frais déduits (entretien et location de la voiture, assurance, etc.), «il nous reste 3,75 euros de l'heure», affirme Jean-Luc Albert.

De son côté, la fédération CFDT des transports appelle de nouveau les chauffeurs à «se déconnecter massivement» des plates-formes vendredi.

Contacté mercredi, Uber a fait savoir que sa priorité était de «continuer à améliorer la situation des chauffeurs indépendants qui utilisent l'application» en poursuivant le dialogue. «Les revenus des partenaires chauffeurs d'Uber ont d'ores et déjà augmenté d'environ 5%» depuis le récent changement tarifaire, selon un porte-parole.