Évoluant au même rythme que la société, les codes utilisés pour vendre des voitures ont changé de façon draconienne au cours des dernières décennies. En voici quelques exemples frappants.

L'aimant à femmes

Voilà un symbole révolu, selon Bertrand Godin. « Dans les années 80, quand j'ai eu mon permis, j'ai été le premier à croire que je pognerais avec les filles, mais j'ai réalisé que ce n'est pas vrai, dit-il en rigolant. C'était un symbole très fort, mais je ne pense pas que les gens croient encore impressionner une fille comme ça. »

Puisque l'industrie ne s'adresse plus seulement aux hommes, elle doit faire particulièrement attention à la façon dont elle parle des femmes, selon Arnaud Granata, directeur d'Infopresse. « Aujourd'hui, on suggère l'idée qu'une voiture peut attirer une femme ou on tourne le concept en dérision, mais on ne peut plus utiliser les mêmes images qu'avant. » Le vice-président de l'agence Bleublancrouge, Luc Arbour, abonde dans le même sens. « Il y a plein de choses auxquelles on pouvait faire allusion il y a 30 ans qu'on ne peut plus dire. Les valeurs ont changé. »

La puissance

La puissance des moteurs a longtemps exercé un attrait indéniable en Amérique du Nord, selon Benoit Duguay, professeur titulaire à l'École des sciences de la gestion de l'Université du Québec à Montréal.

« Quand j'étais préadolescent, dans les années 60, je me rappelle très bien qu'on insistait beaucoup là-dessus. C'était l'époque des pony cars, des Mustang et des Camaro. Comme on ne vendait pas l'essence au litre, mais au galon, et que cela coûtait environ 50 sous, les gens se foutaient que leur moteur soit gourmand. » 

Bertrand Godin précise que certaines entreprises de camions mettent encore de l'avant la robustesse et la puissance de leurs modèles, mais beaucoup moins que par le passé. « Avant, les publicités montraient un véhicule sur un circuit de course en vendant le concept que l'auto gagnait le dimanche sur le circuit, avant d'être vendue le lundi chez le concessionnaire. On est rendu ailleurs aujourd'hui. »

Une GTO rouge, fantasme d'un autre temps. Photo: AP

L'écologie

Les années 80 ont été synonymes d'économie de carburant, en réaction aux variations parfois vertigineuses du prix du pétrole.

« À l'époque, la Renault 5 a été comparée dans une publicité à un chameau, pour illustrer qu'elle avait besoin d'aussi peu d'essence que l'animal avait besoin d'eau, rappelle Bertrand Godin. On jouait sur les valeurs de la population. »

Graduellement, la cause environnementale a secoué le monde de la consommation. « À l'ère du green washing, certaines entreprises ont essayé de se démarquer avec des publicités de voitures dites responsables, sans qu'elles le soient vraiment, affirme Arnaud Granata. Puis, avec le besoin grandissant de sécurité, l'industrie a moins vendu la vitesse et davantage misé sur la sécurité, le confort et le rapport avec l'environnement. »

Photo: Archives Renault

La réussite sociale

Le dernier siècle a été témoin d'une certaine « gentrification des classes sociales » en fonction des voitures que conduisaient les consommateurs, selon M. Stréliski. « Pour mon grand-père ou mon père, le symbole de la réussite était la possession d'une Cadillac. Et pour les hommes de ma génération, il s'agit plutôt de BMW, d'Audi ou de Mercedes. »

Bertrand Godin croit lui aussi que la voiture a longtemps été et demeure un produit qui influence la perception sociale. « Les gens s'achètent une automobile pour bien paraître et montrer un statut qu'ils n'ont pas toujours... Dans les années 60, on disait "achetez cette voiture et votre voisin va vous envier". » 

Luc Arbour croit pour sa part que le symbole est beaucoup moins utilisé qu'avant. « La démocratisation de l'industrie automobile et l'accès de plus en plus facile aux voitures ont fait en sorte que la publicité joue moins cette carte-là qu'avant. » Néanmoins, il affirme que certaines marquent jouent encore sur le renforcement de l'estime de soi. « Objectivement, personne n'a besoin d'une Mercedes à 150 000 $, dit-il. Mais les gens en achètent parce qu'ils en ont les moyens, pour se faire plaisir ou pour envoyer un message aux gens qui les entourent. »

Cette Lincoln Continental était un symbole de réussite. Ce symbole-ci fonctionne encore. Photo: Ford, via AP