Les villes allemandes peuvent chasser les véhicules au diesel de leurs rues afin de combattre la pollution atmosphérique, a tranché un tribunal. Cette décision pourrait avoir des répercussions sur des millions d'automobilistes et la puissante industrie automobile du pays. 

Cette décision plonge aussi le gouvernement allemand dans l'embarras.

La Cour administrative fédérale, à Leipzig, a confirmé deux décisions de justice contraignant les autorités régionales à interdire les véhicules diesel les plus anciens à Stuttgart et Düsseldorf pour assainir l'air.

Bannissement graduel

Dans le détail, la Cour précise que les diesels ne pourront être que «progressivement» bannis de ces deux villes, en commençant par les plus anciens et en prévoyant des exceptions «pour les artisans ou certains groupes d'habitants».

Mais les magistrats balaient nettement l'argument des États-régions (plus ou moins l'équivalent des provinces canadiennes) concernés, qui affirmaient ne pas pouvoir agir sans loi nationale: ils lèvent ainsi l'obstacle planant sur de telles mesures dans d'autres villes tout aussi polluées.

«C'est un grand jour pour l'air pur», s'est réjoui Jürgen Resch, le chef de l'association de protection de l'environnement Deutsch Umwelthilfe (DUH), à l'origine de cette procédure pour forcer les autorités locales à durcir leur combat contre la pollution.

Les véhicules roulant au diesel sont en effet considérés comme majoritairement responsables de la pollution aux oxydes d'azote, qui favorisent les maladies respiratoires et cardiovasculaires.

Des voitures passent devant un détecteur mesurant les niveaux de particules fines toxiques dans l'air de Stuttgart, une des deux villes les plus polluées d'Allemagne. Photo: AFP

Merkel minimise

«La voie est enfin libre pour protéger la santé des gens», s'est également réjoui Niklas Schinerl, porte-parole de Greenpeace. «Chaque ville peut désormais défendre le droit de ses citoyens à un air pur».

La chancelière Angela Merkel s'est certes efforcée de minimiser la portée de l'arrêt, rappelant qu'il ne s'agissait vraiment pas de tout le territoire ni de tous les automobilistes».

Mais les propriétaires de véhicules diesel les plus anciens, c'est-à-dire ne correspondant pas à la norme environnementale Euro 6, «ne peuvent plus êtres certains de pouvoir circuler dans les villes à tout moment, 365 jours par an», a pour sa part estimé le cabinet de conseil EY dans une note.

Selon ses calculs, plus de 10 millions de voitures roulant en Allemagne sont potentiellement concernées, même si l'étendue des interdictions à venir reste difficile à prédire.

La DUH a poursuivi plusieurs villes pour leurs manquements en terme de qualité de l'air et Berlin, réticente jusqu'ici à édicter des interdictions de circulation, est menacé de poursuites par la Commission européenne.

Quelque 70 villes allemandes présentaient encore en 2017 des taux de dioxyde d'azote supérieurs au seuil annuel moyen de 40 microgrammes/m3 édicté par l'Union européenne, d'après l'Office fédéral de l'environnement. Munich, Stuttgart et Cologne sont les plus touchées.

Pression accrue sur le gouvernement fédéral

«Avec la décision d'aujourd'hui, la pression sur l'industrie automobile s'accroît pour qu'elle rende les véhicules diesel plus propres», a estimé Markus Lewe, président de la fédération des municipalités régionales allemandes (Städtetag).

«Les villes ne veulent pas d'interdictions de circulation», a-t-il rappelé en exhortant les constructeurs automobiles à faire davantage.

Les constructeurs tels que Volkswagen, Daimler et BMW ont entamé une mise à jour logicielle de millions de véhicules diesel pour en réduire les émissions polluantes, dans le sillage du scandale aux moteurs truqués de VW, et mis en place des primes à l'achat de véhicules plus propres.

Associations de protection de l'environnement et communes les appellent désormais à aller plus loin en acceptant de modifier en profondeur le système de filtration des gaz d'échappement.

La pression sur Berlin, souvent décrié pour sa proximité avec le lobby de l'industrie automobile, monte également d'un cran.

«Nous appelons instamment l'État Fédéral à abandonner ses réserves à l'égard de l'industrie automobile et à instaurer rapidement» une «vignette bleue» pour les véhicules les plus propres, explique M. Lewe.

Berlin s'y est toujours opposé, pariant sur des mesures aux effets moins immédiats, comme la mise en place d'un fonds d'un milliard d'euros pour aider les villes à développer leur réseau de transports publics ou encore leur flotte de véhicules électriques.

Le week-end dernier, avant la décision de Leipzig, le gouvernement fédéral avait même tenté d'allumer un contre-feu en laissant filtrer ses projets pour une version a minima des interdictions de circulation.