Après des années de croissance et de profits records, l'industrie automobile se prépare à des difficultés en 2019, avec des marchés qui menacent de se retourner au moment où les entreprises doivent investir des fortunes dans la voiture électrique et autonome.

« C'est le début d'un retournement de cycle », avertit Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem de l'automobile. En 2019, « pour la première fois depuis dix ans, on n'aura pas une croissance des ventes, mais une stabilisation du marché mondial, à un niveau certes très élevé », explique-t-il à l'AFP.

S'il écarte un scénario catastrophe de forte baisse, cet expert souligne que le retournement arrive en plein bouleversement de l'industrie, avec « des exigences réglementaires de plus en plus fortes » en matière de pollution, notamment en Europe et en Chine. « Les dernières années ont permis aux constructeurs d'avoir de la trésorerie, de quoi voir venir et investir, mais les années qui arrivent vont être décisives », prévient-il.

GM : précurseur d'autres décisions 



General Motors a provoqué une onde de choc en annonçant fin novembre la fermeture d'une demi-douzaine d'usines et la suppression de 15 % de ses effectifs. La firme de Detroit a expliqué vouloir économiser 6 milliards de dollars d'ici la fin 2020 pour investir dans les véhicules électriques et autonomes.

Jeudi, son concurrent allemand Volkswagen a annoncé 3 milliards d'économie, synonyme de suppressions d'emplois (non chiffrées pour le moment), afin de « financer les énormes investissements du futur ».

Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center Automotive Research (CAR) basé en Allemagne, ne cache pas son pessimisme. Dans l'industrie automobile, « les perspectives sont mauvaises pour les prochaines années », affirme-t-il à l'AFP, anticipant un léger recul des immatriculations en 2019 sur les trois plus grands marchés mondiaux, la Chine, les États-Unis et l'Union européenne.

L'Empire du Milieu, où les livraisons de voitures neuves ont reculé en novembre pour le cinquième mois de suite, sur fond de guerre commerciale avec les États-Unis, représente selon lui le principal motif d'inquiétude, car tous les grands constructeurs mondiaux y ont construit des capacités de production en tablant sur une croissance annuelle de 5 %.

La locomotive chinoise cale

Or selon CAR, le premier marché mondial, avec près de 30 % des ventes, « locomotive de la croissance automobile depuis 20 ans », va finir 2018 en légère baisse pour la première fois depuis 1990. Et le recul se poursuivra « très probablement » l'an prochain, entraînant d'importantes surcapacités de production et une baisse des marges.

Or, ces marges sont déjà sous pression, car les constructeurs et équipementiers font face à « des investissements élevés pour adapter leur outil de production à la mobilité électrique ». « La chute des valeurs automobiles en Bourse et la succession d'avertissements sur résultats traduisent cette double pression sur les marges », explique M. Dudenhöffer.

Depuis l'été, l'équipementier Continental ainsi que les champions allemands du haut de gamme BMW et Daimler (Mercedes) ont revu à la baisse leurs perspectives de bénéfices. En Bourse, depuis le 1er janvier, les équipementiers français Faurecia et Valeo ont perdu près de la moitié de leur valeur, Renault environ un quart, Daimler 30 %, BMW et Volkswagen environ 15 %.

Les entreprises du secteur ont en outre été pénalisées en fin d'année par un renforcement des normes d'homologation de véhicules en Europe. Ces normes plus sévères, qui voient les rejets polluants affichés augmenter, ont contraint des constructeurs à réduire leur production faute d'avoir su adapter leurs gammes à temps.

Risques géopolitiques

Mais la liste des problèmes ne s'arrête pas là. Le Brexit, dont les modalités ne sont pas encore certaines, fait peser des risques sur les entreprises qui produisent et vendent massivement au Royaume-Uni. La chute accélérée du diesel coûte cher aux groupes européens.

Les sanctions contre l'Iran rétablies depuis août privent les constructeurs, notamment français, d'un précieux relais de croissance, alors que des marchés comme la Turquie ou l'Argentine se sont effondrés.

« L'année 2019 va être une année d'incertitudes fortes », souligne Maxime Lemerle, expert du secteur automobile pour Euler Hermes. Il continue cependant de tabler sur une petite hausse du marché mondial, qui franchirait pour la première fois les 100 millions de véhicules, utilitaires inclus.

Concernant les tensions sino-américaines, il parie sur une accalmie. La « rhétorique forte » du président américain Donald Trump ne devrait pas se traduire par « des mesures d'ampleur suffisante pour amener à un effondrement du commerce mondial », estime-t-il.

Une employée de GM-Oshawa essuie une larme peu après l'annonce de la fermeture de l'usine, prévue pour la fin 2019. D'autres employés partout au monde risquent aussi de perdre leurs emplois dans l'année qui suit. Photo Lars Hagberg, AFP