L'auto souffre depuis déjà trop longtemps d'une vilaine maladie : le manque de caractère. Souvent intelligente et parfois très branchée, l'auto a non seulement perdu le charisme qui la caractérisait autrefois, mais aussi de sa singularité, de son authenticité. La passion automobile n'est pas morte pour autant. Du moins pas chez Alfa Romeo, dont la 4C Spider est sensible au coeur et non à la raison.

Longtemps laissée en sommeil, Alfa Romeo s'est réveillée avec l'arrivée de la 4C. D'abord offert sous les traits d'un coupé, ce biplace se décline cette année en un roadster. Mignon comme tout, performant et parfaitement équilibré autour de son moteur central, ce découvrable est cher, mais aussi très exigeant à conduire.

Authentique, dure, exigeante et sans rivale

Son pilotage demande un engagement physique absolu ; c'est un rodéo qui mouille les tempes et les aisselles. Les mains, crispées sur le petit volant, sentent la moindre déformation du bitume. Les larges pneus, asymétriques, happent toutes les saletés et les projettent en salves sous le ventre de la bête. Impossible de couvrir cette pétarade - un soupçon de moquette habille le plancher.

Toit en place ou pas, cette 4C Spider vous transporte dans un vacarme infernal et un inconfort bien réel.

Voilà l'authenticité de ce modèle qui, contrairement à d'autres sportives vendues sensiblement pour le même prix, n'a rien de banal.

Comprenons-nous bien, les BMW Z4, Porsche 718 Boxster, Audi TT, Chevrolet Corvette ou encore Jaguar F-type, pour ne nommer que celles-là, roulent à des vitesses encore plus folles que cette italienne, dans un silence qui inspire un sentiment de sécurité trompeur, et s'interdisent, grâce à de nombreux garde-fous électroniques, le moindre écart de trajectoire. À leur volant, on finit par s'ennuyer. Transgresser les limites de vitesse n'a rien de bien méritoire tellement ces sportives sont bien affûtées. 

En fait, dans cet aréopage de roadsters, la 4C Spider est sans rivale.

Petit moteur punché, voiture légère

Aux commandes de cette Alfa Romeo, on s'imagine très vite pilote.

Attention, cependant : la répartition des masses peut vous jouer de vilains tours si vous devez lever le pied au milieu d'une grande courbe. Et sa tenue de cap est plutôt aléatoire. Mais à vitesse plus basse, cette inquiétante instabilité se transforme en une étonnante agilité. Dès lors, la 4C Spider se comporte avec une grande docilité, et point n'est besoin de trop braquer pour l'inscrire dans la direction souhaitée.

Le petit volant transmet sans interférence chacune de vos manoeuvres. Et sur les petites routes, la belle italienne attrape vos deux mains, la direction ne profitant d'aucun dispositif d'assistance.

Le moteur monté en position centrale arrière compte sur deux larges entrées qui saignent la carrosserie pour s'éventer. Les 237 chevaux de son moteur quatre cylindres de 1750 cc suralimenté se jouent du poids réduit du roadster, qui s'affiche à moins de 1150 kg à la pesée. Rien n'entrave ses envolées vers les hauts régimes - si ce n'est un temps de réponse un peu long - et la musique qui émane de ses échappements.

0-100 km/h en moins de 5 secondes

Dès que la minuscule pédale d'accélérateur est enfoncée, la 4C Spider bondit avec une telle rapidité qu'elle atteint le cap des 100 km/h en moins de 5 secondes.

Les six rapports de sa boîte automatique à double embrayage s'enchaînent brusquement et plutôt sèchement, et ce, indépendamment des réglages choisis.

Chaque coup de volant donne envie d'en remettre. La 4C fend l'air comme un projectile, vous lance comme une balle de tennis d'un virage à l'autre, taille les trajectoires avec la force d'un bûcheron. À son volant, le long serpent de goudron s'avale avec gourmandise. Lorsque vous en aurez marre de vous faire maltraiter par des suspensions très rigides ou d'entendre le moteur hurler sa joie, il suffira de tourner la clef pour que tout s'arrête.

Priorité au pilotage

La version Spider pèse 15 kg de plus que le coupé dont elle dérive, ce qui n'a aucun impact sur performances.

Et la rigidité ? La même. Sur le Spider, la coque en plastique renforcée de fibre de carbone comporte des renforts additionnels dans sa partie inférieure, mais pour faire contrepoids, l'encadrement du pare-brise a été réalisé en fibre de carbone alors que celui-ci est en acier sur le coupé.

Voilà pour la différence. Mais coupé ou découvrable, la 4C demeure une auto de contorsionnistes. En effet, en raison des caissons latéraux de son châssis, il faut toute une allonge pour en prendre les commandes. Aussi épais que deux billets de spectacle, les sièges de cette Alfa Romeo se révèlent pourtant très confortables. Et celui du passager plus qu'autrefois - sur le coupé - puisqu'il repose désormais sur des glissières.

On y conduit presque couché, on ne voit pratiquement rien sur les côtés et à l'arrière et toute tentative de communication avec le passager est vouée à l'échec. La 4C Spider place en effet la conduite au-dessus de toute autre considération. En fait, contrairement aux autres roadsters qui circulent dans nos parages, l'italienne concède très peu au confort et pratiquement rien au luxe.

Les défauts de la 4C Spider, les acheteurs potentiels n'en ont cure. Elle est exclusive, radicale, extravagante, donc forcément imparfaite. À leurs yeux, l'essentiel du contrat est rempli : cette Alfa Romeo décoiffe... dans tous les sens du terme. Ne vous réjouissez pas trop vite cependant. Elle est inaccessible au commun des mortels. Son prix la classe d'office parmi les joujoux destinés à une clientèle fortunée. Mais c'est le prix de l'originalité !

Rien à envier à la version coupé.

Position? Presque couché. C'est une vraie voiture sport.

Merveilleux tape-cul

L'important est que ce roadster pur jus possède ce qui fait le plus défaut aux autos modernes : du caractère.

Oui, il est bruyant, « tapecul » et sacrifie très peu au confort. Mais avec son agilité proverbiale et la part belle qu'il laisse au pilotage, il est attachant en diable.

Comprenez-moi bien : je ne suis pas en train de vous suggérer de vous procurer cette auto. Elle est trop peu pratique pour vivre au quotidien (habitacle étriqué, coffre minimaliste, deux places seulement). Mais elle appartient aux voitures vraies. Celles qui n'ont pas peur d'afficher leurs particularités, leurs aspérités, voire leurs défauts. Celles pour lesquelles on se prend de passion et dont on ne se sépare qu'avec regret. 

Puisque vous aimez l'automobile, voilà un rare choix de coeur.

2015 Alfa Romeo 4C Spider