En cédant Opel à PSA à General Motors (GM) scelle son départ d'Europe sur un coûteux échec commercial et entend se rencentrer sur des marchés plus rentables (Chine, États-Unis) pour pouvoir investir dans les voitures autonomes.

Le premier groupe automobile américain a annoncé lundi vendre pour 2,3 milliards de dollars américains sa filiale européenne Opel/Vauxhall au français PSA, mettant fin à seize années de pertes sur le Vieux Continent qui ont totalisé 15 milliards de dollars.

Si la transaction va lui coûter le troisième rang mondial en termes de ventes au profit de l'alliance Renault-Nissan/Mitsubishi, elle devrait être une bonne affaire sur le plan financier en permettant au groupe américain de renforcer sa trésorerie d'au moins 1,4 milliard de dollars par an, calculent les analystes.

AP

Une sculpture du fondateur d'Opel, Adam Opel, devant l'entrée principale du siège social de la compagnie à Ruesselsheim, en Allemagne.

GM préfère être rentable que grosse

«GM a choisi la rentabilité sur la taille», estime Jairam Nathan, chez Daiwa capital Markets, tandis que Maryann Keller, chez MK&A, parle de «pragmatisme» et de «bon sens».

«Au moment où l'industrie automobile se focalise sur les voitures autonomes et connectées, l'épicentre du leadership en matière technique est aux Etats-Unis» et non en Europe, fait valoir Mme Keller.

GM a pâti en Europe d'une stratégie centrée sur la commercialisation de petites voitures aux marges faibles, qui l'a plongé dans des restructurations permanentes et coûteuses en raison du droit du travail européen beaucoup plus strict que la législation américaine.

À la tête de GM depuis 2014, Mary Barra confirme le choix d'investir principalement dans les marchés rentables, renonçant à une tradition qui veut qu'un constructeur soit présent sur tous les continents pour être considéré comme important.

Mary Barra, de GM, sourit parce qu'elle se débarasse d'une unité chroniquement déficitaire. Carlos Tavares, le patron de PSA, sourit parce que sa compagnie devient du jour au lendemain un gros joueur en Europe. Quant à Karl-Thomas Neumann, le patron d'Opel, personne ne sait pourquoi il sourit. Photo: AP

Forte croissance

Ce changement de cap avait débuté en 2015 lorsque GM avait arrêté sa production en Thaïlande et en Indonésie, et abandonné la Russie.

Quitter l'Europe suggère que le constructeur américain veut investir en Amérique du nord, qui concentre la majorité de ses bénéfices, et en Chine, où il vend le plus de voitures et croît rapidement.

Les ventes des VUS et des pick-ups aux fortes marges ont explosé en Amérique du nord à la grande joie des constructeurs, qui investissent dans les technologies afin de permettre à ces véhicules de satisfaire aux exigences américaines en matière d'émission de CO2.

La Chine, devenue le premier marché automobile mondial avec 28 millions de voitures vendues en 2016, a, elle, le potentiel de suppléer les ventes perdues en Europe.

En 2016, Buick, première marque de GM dans le pays, et Wuling (coentreprise avec Shanghai Automotive Industry Corp, SAIC), ont vendu à elles deux plus de voitures qu'Opel/Vauxhall. Au total, GM a enregistré une hausse de ses ventes chinoises de 7% à 3,9 millions d'unités.

Cette croissance continue devrait l'obliger à y investir considérablement et mobiliser de nombreuses ressources. GM pense pouvoir également y réaliser des économies d'échelle sur plusieurs modèles.

«Nous allons consacrer notre temps et nos ressources où il y a une forte croissance, d'importants retours sur investissements et dans les nouvelles technologies qui sont en train de transformer notre industrie», explique le président de GM Dan Ammann.

Voitures autonomes

Expliquant que le «changement de paysage» en Europe causé par le Brexit avait beaucoup pesé dans sa décision de vendre Opel, Mary Barra a ajouté que les incertitudes géopolitiques dans d'autres parties du monde avaient également été déterminantes.

C'est le cas de la menace brandie par Donald Trump d'imposer une lourde taxe sur les importations.

La départ de l'Europe va également permettre à GM de se consacrer à la course à la montre dans laquelle sont lancés les groupes automobiles et technologiques pour commercialiser des voitures autonomes.

Le géant de Detroit est à la traîne face à Google et Uber, voire son grand rival Ford, pour ces voitures sans chauffeur considérées comme l'avenir de l'automobile.

Ford a mis les bouchées doubles dans l'intelligence artificielle avec l'acquisition pour 1 milliard de dollars de la start-up Argo AI. L'intelligence artificielle permet aux machines de reconnaître des images et des objets et est utilisée pour faire de la cartographie.

«L'industrie automobile est dans un processus de redéfinition de ce qu'est une voiture (...) Ce changement de paradigme va demander aux constructeurs de trouver des capitaux importants», fait valoir Maryann Keller.