En tentant de faire sa place aux côtés d'Acura, d'Infiniti et de Lexus grâce à sa nouvelle gamme Genesis, le groupe coréen Hyundai s'aventure sur un terrain où la réussite se fait rare. Ces dernières années, seul Tesla peut être crédité d'avoir chamboulé le marché des voitures de luxe. Voici quelques précisions qui aideront à mieux comprendre l'ampleur du défi qui attend Genesis.

À FAIRE

1-Miser sur le bon modèle dès le premier jour

En récupérant le nom de sa berline Genesis pour sa marque de luxe, Hyundai joue avec un couteau à deux tranchants.

Une berline cossue mais somme toute abordable, qui a connu du succès au Canada et aux États-Unis, est un bon point de départ, mais il faut aussi se coller à la demande. Et en ce moment, les acheteurs n'en ont que pour les VUS. Ça peut coûter cher : Cadillac, qui l'a compris un peu sur le tard, est en rattrapage depuis. « Cadillac fait partie du tissu culturel américain, mais elle compte si peu de VUS, tandis que les Allemands ont tellement de modèles qu'on a perdu le compte », a d'ailleurs récemment déclaré Johan de Nysschen, président de Cadillac. Du côté de Genesis, il faudra attendre 2019 pour voir un premier VUS, le GV80, dévoilé au Salon de New York en avril dernier.

2-Polir l'historique du constructeur

Pour définir la marque, il faut aller plus loin que les produits, croit Danica Kelso, spécialiste en automobile et professeure au Georgian College de Barrie, en Ontario.

Genesis n'a pas de VUS. Elle a seulement un prototypel le GV80. Photo: Reuters

Genesis est issu du groupe Hyundai. Au Canada, la réputation de Hyundai est toujours teintée du fiasco de la Pony, qui date des années 80. Par contraste, Acura et Lexus ont hérité de la réputation enviable de leurs sociétés mères, Honda et Toyota, dont la réputation de fiabilité et de grande valeur s'est formée dès leur introduction en Amérique du Nord, au début des années 70.

3-Un bon prix plutôt qu'une expérience d'achat simplifiée

Acheter une voiture allemande est tout une aventure.

Au nombre de modèles apparemment infini s'ajoutent des listes d'équipement optionnel interminables !

Celles-ci font grimper la facture, ce qui fait toujours l'affaire du vendeur.

La Genesis G90, qui se vend tout de même 84 000 $ au bas mot, aura plus de chances d'attirer les acheteurs si « elle en offre autant que ses rivales à prix moindre, plutôt qu'en offrant une expérience d'achat simplifiée », dit Mme Kelso.

4-Miser sur la technologie

Tout le monde semble d'accord : les acheteurs de véhicules de luxe aiment les gadgets.

Avec des options, une Audi A8 va facilement coûter plus de 100 000 $. Photo: Audi

Pas pour rien que ces véhicules offrent en premier les dispositifs d'arrêt-marche du moteur, les baquets à vibromassage, les échappements au son ajustable et d'autres technologies exclusives.

C'est probablement le principal défaut de la marque Genesis en ce moment : du côté technologique, son offre est plutôt mince, et ne se compare pas à ce que proposent les Lexus et les Volvo de ce monde.

Genesis peut faire de beaux intérieurs, mais il y a peu de gadgets. Photo: AP

À NE PAS FAIRE

1-Se coller à la marque d'origine

Les experts expliquent le peu de succès que connaissent certaines marques de luxe par le fait qu'elles sont vendues dans le même établissement que des marques plus bas de gamme.

C'est notamment le cas de Lexus, dont les ventes piétinent en Europe depuis des années.

Chez nos voisins du Sud, Buick et Cadillac ont peut-être souffert de ce problème dans le passé.

Que Hyundai tienne sa gamme Genesis à part a du bon : en attendant les premières concessions, les voitures s'achètent en ligne et sont livrées chez l'acheteur, un service appelé Genesis at Home.

2-Tenter de rivaliser avec BMW ou Mercedes-Benz

Depuis les derniers mois, la tendance dans les ventes de véhicules de luxe prend deux formes.

Genesis doit tenir ses autos loin des Hyundai comme cette Elantra à 16 000 $. Photo: Hyundai

D'abord, les marques allemandes font bien. Ensuite, les marques de luxe intermédiaires comme Acura et Infiniti peinent à suivre le rythme. Ces dernières sont des proies plus faciles pour Genesis, estime Danica Kelso. « La stratégie de luxe un peu plus abordable de Genesis s'adresse à une clientèle plus habituée aux marques haut de gamme de constructeurs asiatiques que les marques purement luxueuses comme BMW ou Mercedes », dit-elle.

3-Engager un porte-parole trop tôt

Chez Tesla, c'est simple : le fondateur Elon Musk est une célébrité autant dans la sphère automobile que dans le monde des affaires, et même jusqu'à Hollywood.

Ne pas attaquer Mercedes et BMW de front. Photo: Mercedes-Benz

Ça en fait un porte-parole par défaut de sa propre entreprise. Ford, pour donner un certain cachet à Lincoln, a cru bon de recourir aux services de Matthew McConaughey, et on ne sait pas encore si c'est la personnalité floue de l'acteur ou la mise en scène de ses capsules publicitaires, mais l'effet sur l'image de la marque n'a probablement pas été celui qui était espéré à la base... Un porte-parole peut avoir un effet important sur une marque, ce qui, si elle n'est pas assez connue, pourrait lui coller à la peau de façon durable. 

4-Viser les vieux, cibler les jeunes

« Les acheteurs de voitures de luxe sont, comment dire, plus âgés. Mais il ne faut pas dire que ce sont de vieux acheteurs ! », dit Mme Kelso.

C'est le défi du marketing automobile depuis toujours : vendre aux jeunes, et aux « jeunes de coeur », comme on dit. Seul hic, si on cible trop les jeunes, l'effet peut être négatif. La professeure du Georgian College cite en exemple la Chrysler 300. Les ados raffolent de son look de voiture de gangster. Pour connaître du succès à long terme, Genesis devra donc user de doigté. « Je ne crois pas que Hyundai souhaite voir apparaître des accessoires sur le marché secondaire [aftermarket] pour les Genesis comme c'est le cas pour la 300 », conclut-elle.

Genesis G90, Photo fournie par le constructeur