«Le style, c'est l'émotion», rappelait, de son vivant, le designer Nuccio Bertone. Lamborghini a retenu la leçon. Comme pour toutes les créations précédentes de la marque italienne, les lignes extrêmement tendues de la dernière née de Sant'Agata, la Huracán (prononcez «ou-ra-canne»), déclenchent l'émoi. Mais au-delà des formes - presque caricaturales lorsque peintes de couleurs vives -, que reste-t-il du comportement caractériel des Lamborghini d'antan?

Lamborghini est une marque légendaire, mais pas hors du temps. Par conséquent, la sportivité de ses modèles est toujours aussi exacerbée, mais s'exprime de façon plus moderne. En d'autres mots: plus efficace et moins revêche qu'autrefois. Donc, fini les embrayages lestés de plomb, les leviers de boîte de vitesse récalcitrants et les suspensions de bois.

D'ailleurs, la conduite d'une Huracán se veut beaucoup plus civilisée que cela. À tel point que l'on pourrait l'amener faire la file sur le boulevard Décarie en fin de journée sans crainte de s'épuiser à son volant, de faire surchauffer la mécanique ou, pire, de tomber en panne.

Bien que cela soit rarement le cas en pratique, une Lamborghini - la Huracán tout particulièrement - est conçue pour circuler tous les jours. Et à la limite en toutes saisons, puisqu'elle est dotée d'un rouage à quatre roues motrices, mais cette rationalité ne fait pas l'unanimité chez les esthètes. Ces derniers ont la nostalgie de cette époque où les créations de Lamborghini en faisaient trop.

Réputée pour la brutalité de son accélération et son affolante vitesse de pointe, la Lamborghini moderne comporte, en prime, un soupçon de grâce et une bonne dose de raffinement. Elle demeure toujours aussi rapide qu'un dragster. Pourtant, la production de la marque au taureau furieux paraît aujourd'hui presque domestiquée. La faute aux ingénieurs et à l'électronique, selon les puristes. Ceux-ci jugeront sans doute que le constructeur est allé trop loin en rendant la conduite trop accessible. On pourrait en débattre.

La Huracán signe, sans effort apparent de la mécanique ni d'ailleurs du conducteur, des performances qui sortent de l'ordinaire. Mais pour en tirer tout le potentiel, il faut encore se cracher dans les mains.

Le coeur et les jambes



Au volant de la Huracán, les accélérations et les reprises nous emportent dans une autre dimension. Celles-ci s'enchaînent à une cadence d'autant plus impressionnante qu'elles sont soutenues par une boîte, plus rapide et comptant désormais un deuxième embrayage auquel la Gallardo n'a jamais eu droit.

Beaucoup plus rapide et surtout moins brutale, cette transmission ne claque plus ses rapports comme un fouet. Le système envoie automatiquement un petit coup d'accélérateur pour compenser, si nécessaire, une brusque décélération entraînant une pétarade des échappements. Une allégresse acoustique qui s'apprécie tout particulièrement dans les tunnels, où la réverbération du V10 d'origine Audi donne presque la chair de poule.

La boîte avec ses palettes qui se laissent manipuler du bout des doigts a évolué, la motorisation aussi. Celle-ci conserve la même cylindrée que celle que l'on trouvait sur la Gallardo, mais s'alimente dorénavant à l'aide d'un système d'injection à la fois directe et indirecte. Cet arrangement vise à augmenter le taux de compression pour offrir plus de puissance tout en diminuant la consommation et les rejets de gaz polluants.

Pas de turbo ni de compresseur. Un moteur atmosphérique à l'état pur capable de livrer 602 chevaux à 8250 tours-minute et 413 lb-pi de couple à un régime de rotation presque aussi élevé.

Sur papier, la Huracán surclasse la Gallardo et, plus important encore pour Lamborghini, fait mieux que sa rivale, la 458, offerte par «l'haïssable voisine» de Maranello.

La fibre de carbone appelée en renfort



Les excités de l'accélérateur s'abreuveront de chiffres fournis par l'usine, mais auront à retenir une chose: la Huracán peut suspendre votre permis de conduire en moins de 9,9 secondes (0-200 km/h). Par chance, on peut éprouver du plaisir sans enfreindre les lois. Celui-ci sera de courte durée, toutefois, puisque cette italienne atteint 100 km/h en tout juste 3 secondes. Et la Huracán pourrait faire mieux encore. En dépit d'un châssis hybride (mi-aluminium, mi-fibre de carbone), cette Lamborghini demeure plus lourde qu'une Ferrari 458 ou qu'une McLaren 650S, qui se trouvent au sud des 1400 kg. Mais ni l'une ni l'autre ne compte sur les services d'un rouage à quatre roues motrices. Ce dernier représente aussi une évolution du système précédemment utilisé sur la Gallardo. Dans des conditions normales d'utilisation, il renvoie 30% du couple aux roues avant. Si celles-ci manquent toujours de motricité, ce ratio peut atteindre 50%. Extrêmement flexible, ce dispositif permet également de tout diriger (100%) vers le train arrière.

Cette aide à la conduite inestimable sur une chaussée à faible coefficient d'adhérence se trouve à la tête d'un régiment d'anges gardiens électroniques baptisé à l'interne Anima (âme, en italien). Ces derniers influent aussi bien sur l'élasticité des éléments suspenseurs et sur la vitesse d'exécution des commandes (accélérateur, boîte) que sur la rapidité de la direction. À l'utilisateur le choix des armes en adoptant l'un des trois modes offerts: Strada, Sport ou Corsa. Seul ennui, la programmation est inaltérable et ne permet pas, par exemple, de personnaliser plus finement le comportement du véhicule.

Le secret est dans le mode



Au risque de décevoir les amants radicaux de la marque, la Huracán se révèle au quotidien d'une extrême facilité à conduire. Le train avant, vif et précis, s'inscrit dans les courbes avec beaucoup de précision, et l'arrière enchaîne sans problème. En poussant plus fort, le sous-virage se met de la partie.

La voiture témoigne néanmoins d'une stabilité à toute épreuve sans qu'il lui soit nécessaire de faire appel aux garde-fous électroniques pour doser le passage des 602 chevaux au sol. La suspension est ferme sans être inconfortable et, à basse vitesse, les reprises sont puissantes et régulières. La commande de boîte rend les montées en régime plus raides et les rétrogradations plus énergiques.

Ces plaisirs se goûtent sur les modes Strada et Sport. En optant pour le mode Corsa, c'est un autre monde. Le sous-virage observé sur les deux modes précédents fait place au survirage. La direction gagne en rapidité, les suspensions se durcissent. L'ouragan s'intensifie, se déchaîne. Le V10 s'enrage, force la boîte à mitrailler ses vitesses de bas en haut. De haut en bas. Le rythme s'accélère, la direction aussi. Le rapport de démultiplication change radicalement (17:1 à 9:1) pour permettre à l'auto de se lancer plus rapidement encore dans les virages.

La Huracán ne décroche pas. On la pousse encore plus fort, rien. Et encore davantage, et la voilà qui se met à glisser des quatre roues...

Ouf, quel spectacle, surtout lorsqu'on se trouve assis aux premières loges. Quelle satisfaction, malgré de petites frayeurs. En effet, en dépit d'un alliage de céramique et de carbone (de série), le freinage gagnerait à se montrer plus endurant sur un circuit. Sur la route, aucun souci.

Signature Audi



À bord de la Huracán, l'influence d'Audi, son propriétaire, se fait sentir. Le «modèle d'entrée de gamme» de la marque italienne introduit des améliorations marquantes dans le domaine de l'ergonomie. D'ailleurs, comme chez la firme rivale d'à côté (vous savez qui), la colonne de direction de la Huracán ne comporte aucune excroissance.

Les commandes des clignotants et des essuie-glaces ont pris la forme de petits interrupteurs et intègrent les branches du volant. On s'y fait. Tout comme à ses sièges sport (en option) aux réglages (manuels) peu nombreux et à cette forêt de commutateurs enracinés sur la console centrale.

Cette dernière loge également une partie des compteurs numériques - difficile à consulter du poste de pilotage - et une interface «lamborghinisée» du système MIME, conçu par Audi. Le constructeur allemand est à l'origine du bloc instrumentation personnalisé, qui n'est pas sans rappeler celui de la future TT.

On ne fera pas injure à la Huracán en lui reprochant sa visibilité réduite (à l'arrière surtout) et l'absence de capteurs d'angles morts pour réaliser sereinement une manoeuvre de dépassement. Il est tout aussi vain de se scandaliser outre mesure de sa consommation de carburant, un détail pour ses propriétaires qui ne manqueront pas de souligner qu'ils ne «roulent pas beaucoup». Pas besoin, le plaisir se goûte à l'arrêt et dès le premier tour de roue.

Les frais de transport et d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par Automobili Lamborghini.

Ce qu'il faut retenir

> Marque/modèle : Lamborghini Huracan LP 610-4

> Prix de détail suggéré : 260 990 $

>  Garantie de base : 3 ans/km illimité

> Consommation réelle : n.d.

>  Pour en savoir plus : www.lamborghini.com

>  Moteur : V10 DACT 5,2 litres

>  Puissance : 602 ch à 8250 tr/min

>  Couple : 413 lb-pi à 6500 tr/min

>  Rapport poids-puissance : 2,33 kg/ch

>  Poids : 1422 kg

>  Mode : intégral

>  Transmission de série : semi-automatique 7 rapports

> Transmission optionnelle : aucune

>  Direction/diamètre de braquage (m): crémaillère/11,5

>  Freins av-arr : disque/disque

>  Pneus (av-arr) : 245/30R20 - 305/30R20

>  Capacité du réservoir/essence recommandée : 80 L/Super

On aime

>  Progression de la qualité

>  Rendement de la boîte nettement amélioré

>  Comportement aiguisé

On aime moins

>  Freinage manquant de mordant

>  Manque de couple à bas régime

>  Paramétrage limité