Le constructeur Renault a baptisé son prochain VUS urbain Kadjar, le même nom que la dernière dynastie royale d'Iran, qui a régné de 1786 à 1925.

Renault ne fait aucun lien entre ce choix de nom et l'ancienne dynastie iranienne, mais cela survient au moment où Renault se positionne pour reprendre ses activités en Iran, avec l'espérance d'une levée permanente de l'embargo économique contre ce pays.

«À mon avis, le choix de ce nom par la firme française répond à une stratégie bien définie pour pénétrer le marché iranien au moment de la  levée de l'embargo économique sur ce pays», a dit à La Presse le doctorant en histoire Raphaël Weyland, de l'Université de Montréal, qui donne actuellement une série de conférences grand public sur l'Iran aux Belles Soirées.

Renault et Peugeot étaient les deux principaux constructeurs automobiles en Iran avant l'imposition en 2013 de sévères sanctions internationales contre ce pays dirigé par un gouvernement islamiste et soupçonné de vouloir se doter d'un arsenal nucléaire. Les deux constructeurs français avaient alors abandonné ce lucratif marché.

L'an dernier, un accord intérimaire avec l'Iran a entraîné un relâchement des sanctions économiques, permettant au pays de recommencer à importer des biens et services pour son important secteur automobile. Renault a recommencé à expédier des voitures en pièces détachées qui sont assemblées par un partenaire iranien. Dans l'attente d'un traité définitif, tous les constructeurs automobiles, pas seulement Renault, sont intéressés par ce marché qui pourrait représenter des ventes estimées à 2 millions de véhicules par année.

Renault a baptisé son prochain VUS urbain Kadjar. C'est le même nom qu'une célèbre dynastie royale d'Iran, mais c'est juste un hasard, selon Renault, qui souhaite augmenter ses activités en Iran. Photo : Renault

«Un quad agile et prêt à jaillir» ?

Quand Renault a annoncé le nom de Kadjar, il y a trois semaines, il a seulement indiqué que « KADJAR est un nom masculin construit autour de KAD et JAR. KAD s'inspire directement de quad, véhicule à quatre roues tout-chemin, alors que JAR rappelle à la fois les mots agile et jaillir ».

Avec une explication pareille, pas surprenant qu'on cherche ailleurs. Le choix de Kadjar n'est-il pas un mélange de diplomatie et de marketing destiné à charmer autant les autorités que le public d'Iran ?

« Si c'est le cas, Renault aurait pu faire mieux : les Kadjars ont perdu du territoire aux mains des puissances coloniales et le régime parlementaire qu'ils ont mis en place était corrompu et inefficace », dit le conférencier Raphaël Weyland. « La place de cette dynastie dans l'histoire de l'Iran n'est pas très favorable ni consensuelle. Par contre, depuis que les islamistes ont pris le pouvoir en 1979, les Kadjars sont présentés plutôt favorablement par le régime, qui souligne qu'ils ont lutté contre les empires russe et britannique. »

Les derniers Kadjars fréquentaient Louis Renault

Quand les derniers Kadjars ont été chassés du pouvoir et d'Iran en 1925, « ils se sont exilés en France et sont morts en France » dit M. Weygand, qui est Français. « D'ailleurs, ils fréquentaient Louis Renault (président de Renault, mort en 1944), ce qui leur confère peut-être une petite notoriété en France. Parfois, les Français pensent que si un nom est connu en France, il est connu partout. »

La filiale de Renault a déjà rouvert une concession à Téhéran, la capitale, et a « repris un flux très limité d'expédition de kits (de voitures en pièces détachées) en Iran en accord avec la suspension temporaire et ciblée des sanctions », a indiqué à La Presse Hélène Mazier, chargée de relations avec les médias chez Renault. Deux modèles Renault sont fabriqués en petite série en Iran, surtout avec des composantes faites par des sous-traitants locaux.

La Presse a demandé à Renault s'il y a un lien entre le choix de ce nom et la reprise espérée des pleines activités commerciales de la compagnie en Iran. Mais Mme Mazier s'est bornée à dire que Renault « réaffirme que l'Iran est un marché stratégique et suit de près l'évolution de la situation diplomatique et des négociations en cours pour être prêt, le cas échéant, à redémarrer à un rythme normal dans le respect de toutes les réglementations applicables. »

Il faut dire que Renault a un don pour trouver des noms bizarres pour ses modèles : le Kadjar doit remplacer le petit VUS Koleos, qui veut dire « couille » en grec ancien et Renault ne l'avait probablement pas nommé ainsi pour séduire le marché grec.