La fusée Falcon Heavy de SpaceX a décollé avec succès mardi depuis Cap Canaveral en Floride, propulsant vers l'espace le lanceur le plus puissant du monde et une voiture sport décapotable rouge en route vers un voyage sans fin au delà de la planète Mars.

«Décollage!», a twitté la société SpaceX dans un message accompagné d'une photo de Falcon Heavy s'élevant dans un nuage du fumée blanche enveloppant son pas de tir.

La fusée privée Falcon Heavy a décollé de l'aire de lancement 39A, la même qu'avait utilisé la NASA pour envoyer deux hommes sur la lune il y a près de 50 ans. Après la mise à feu, Falcon Heavy a été confirmée comme la fusée la plus puissante au monde. 

Les 27 moteurs montés sur trois engins ont démarré en crachant flammes et fumée au Kennedy Space Center, où des milliers de spectacteurs étaient réunis pour assister au lancement, qui a été reporté deux fois à cause de vents élevés en haute altitude.

Les deux fusées d'appoint ont été récupérées pour une future réutilisation, s'étant posées en même temps au Cap Canaveral. Elles avaient déjà servi une fois chacune. La fusée principale, elle s'est dirigée vers une plateforme flottante, à 420 km au large de la côte floridienne.

La fusée étant à son premier vol, il n'était pas question d'y mettre une charge utile comme un satellite. Elon Musk, PDG de SpaceX et de Tesla Motors, a utilisé son sens du spectacle et du marketing en mettant à la place son propre Roadster tout électrique, une décapotable sport rouge qui a ainsi été placée sur une orbite elliptique qui le fera passer tout près de Mars, la planète que Musk veut atteindre et coloniser avec ses fusées SpaceX. Pour ce genre de lancement d'essai, la NASA met plutôt des poutres d'acier coupées ou du béton.

«J'adore l'idée d'une voiture dérivant apparemment à l'infini dans l'espace et qui sera peut-être découverte par une race extraterrestre dans des millions d'années», avait imaginé l'an dernier M. Musk, qui ne veut ni plus ni moins que coloniser Mars.

Quand les 27 moteurs Merlin de cette super-fusée se sont allumés, pour générer une poussée de plus de 2500 tonnes, l'équivalent de 18 Boeing 747 à la verticale, l'assemblage des trois lanceurs Falcon 9 ne s'est toutefois pas dirigé directement vers Mars.

La destination de ce vol est l'espace lointain, à une distance à peu près équivalente de celle de Mars par rapport au Soleil, où l'engin sera placé en orbite.

Bien moins cher... et plus besoin des Russes

SpaceX n'avait jusqu'alors effectué que des tests statiques. Et Elon Musk avait martelé lundi que cela serait déjà un succès si la fusée «quittait le pas de tir et ne le pulvérisait pas en mille morceaux».

Une prudence justifiée par les enjeux colossaux du projet. En termes technologiques, bien sûr, mais aussi au niveau des économies d'échelle qu'une telle réussite peut signifier.

SpaceX affirme que Falcon Heavy peut lancer deux fois plus de charge utile que la plus puissante fusée en opération existante, la Delta IV Heavy, «à un tiers du prix». Selon United Launch Alliance, qui opère les Delta IV, le coût d'un lancement est de 350 millions de dollars.

À cela s'ajoute une dimension géostratégique non négligeable. Si SpaceX gagne son pari, la Nasa pourra se passer de l'aide des Russes et de leur vaisseau Soyouz pour envoyer des hommes dans l'espace.

Chez SpaceX, «à chaque échec qu'ils ont rencontré, ils ont rebondi immédiatement», a expliqué à l'AFP Erik Seedhouse, enseignant à l'université américaine Embry-Riddle spécialisée dans l'aérospatiale, insistant sur le fait que l'entreprise a «effectué l'année dernière davantage de lancements que n'importe quel pays».

Avec sa puissance, seulement surpassée dans l'histoire par la fusée Saturn V de la Nasa qui a emporté des astronautes des missions Apollo vers la Lune, la Falcon Heavy pourra mettre jusqu'à 63,8 tonnes en orbite terrestre basse, soit près de trois fois la charge que peut emporter une Falcon 9.

Contredisant un communiqué de sa propre entreprise, Elon Musk a expliqué lundi que ce ne sera en réalité pas la Falcon Heavy mais un autre de ses projets, la fusée BFR («Big fucking rocket», littéralement «putain de grosse fusée») qui permettra de transporter des humains vers la Lune ou Mars.

Le Falcon Heavy doit donc lui ouvrir la voie.