Le constructeur américain de voitures électriques Tesla traverse une passe difficile marquée par les doutes des investisseurs sur son avenir et un accident mortel dans un contexte de méfiance vis-à-vis de la conduite assistée et autonome.

Le titre a perdu 7,67% en Bourse mercredi, après avoir déjà perdu 8,22% la veille. En deux jours, près de 8 milliards de dollars de capitalisation boursière sont partis en fumée.

«Wall Street commence à réaliser que Tesla est mal gérée et va faire face à de sérieux obstacles financiers dans les deux prochaines années», estiment les analystes de TheStreet.com.

Fondée en 2003 par le charismatique entrepreneur d'origine sud-africaine Elon Musk, Tesla s'est imposé dans le paysage automobile avec des technologies électriques et semi-autonomes mais son horizon est assombri par de nombreuses interrogations.

Modèle X incendié, accident mortel

Le NTSB, le régulateur des transports américain, a ouvert mardi une enquête à la suite d'un accident mortel impliquant un véhicule Tesla dans la ville de Mountain View en Californie le 23 mars. Un Modèle X a percuté une barrière en béton sur l'autoroute 10 et a pris feu. 

L'enquête s'intéresse particulièrement au système d'Autopilot, logiciel qui permet un certain nombre de manoeuvres sans l'intervention du conducteur. Mais les enquêteurs veulent aussi savoir pourquoi la voiture a pris feu, ce qui arrive parfois aux batteries de voitures électriques.

Ingénieur chez Apple, père de famille

La station de télévision ABC7 de San Francisco rapporte que le propriétaire, Walter Huang, 38 ans, avait une femme et deux enfants : «Au mois de novembre dernier, il a été engagé comme ingénieur chez Apple et a acheté une Tesla neuve. Après plusieurs problèmes avec Autopilot, il s'en est plaint au concessionnaire avant son accident mortel.» 

En réaction à cette information, Tesla a émis un communiqué indiquant qu'elle n'avait trouvé dans ses dossiers aucune trace d'une plainte de M. Huang concernant l'Autopilot, seulement un signalement concernant un problème avec le système de navigation.

Tesla a aussi diffusé des photos montrant qu'une barrière d'atténuation d'impact --normalement déployée au complet à l'endroit exact de l'accident-- avait été presque entièrement enlevée vendredi lorsque le Modèle X de M. Huang s'est écrasé contre une barrière de béton. Tesla note que ce changement dans la sécurité passive de la route a pu contribuer au décès.

En mai 2016, un automobiliste américain, Joshua Brown, avait déjà trouvé la mort sur une route de Floride alors qu'il conduisait un Modèle S équipé d'Autopilot.

Tesla affirme ne pas connaître la cause du nouvel accident, ayant entrainé la mort du conducteur, mais collabore avec les enquêteurs. Il n'a pas encore pu récupérer le «journal de bord» informatique, qui pourrait aider à en déterminer les circonstances.

Cette nouvelle est d'autant plus malvenue que cet accident survient après qu'un véhicule autonome d'Uber en phase de test a été impliqué dans un autre accident mortel, qui a coûté la vie à une piétonne dans l'Arizona.

«Les difficultés de l'autonomie et l'accélération de Waymo (Google) pour commercialiser (les véhicules autonomes) posent la question de savoir si Tesla sera vraiment le leader pour l'application de l'intelligence artificielle dans les transports», avancent les analystes de la banque Morgan Stanley.

Concurrents redoutables

Tesla, qui avait déjà comme rival General Motors et sa Chevrolet Bolt, doit en outre désormais composer avec la concurrence de Porsche et Jaguar, deux fleurons de l'automobile mondiale, qui ont décidé de plonger dans le grand bain de la mobilité électrique.

Porsche promet de commercialiser dès 2019 sa Mission E, une berline électrique rivale de la Model S de Tesla, dans le cadre d'un plan d'investissement de 7,4 milliards de dollars destiné à électrifier d'ici 2022 un tiers des modèles de la marque allemande.

Le constructeur Jaguar, qui appartient à l'indien Tata, va pour sa part s'allier à Waymo pour développer une version entièrement autonome de l'I-PACE, son nouveau modèle haut-de-gamme de voiture électrique.

Outre cette rude concurrence, Tesla connaît également des problèmes de production du Modèle 3, son nouveau véhicule d'entrée de gamme censé lui ouvrir la voie de la production de masse.

Le groupe californien s'est fixé des objectifs de production qu'il a dû revoir nettement à la baisse en raison de «goulots d'étranglement». Il ne prévoit plus de produire que 2500 exemplaires par semaine d'ici la fin du mois en cours et monter à 5000 par semaine à partir de fin juin. Les objectifs initiaux étaient de 5000 véhicules par semaine fin 2017 et 10 000 à la fin 2018.

À court d'argent : 2 milliards à emprunter

«Le plongeon de l'action reflète en partie les interrogations sur la montée en puissance de production du Modèle 3, qui affecte directement les besoins de liquidités à court terme de l'entreprise et sa capacité à solliciter les marchés pour y lever de l'argent», estime Morgan Stanley.

Ce que confirme l'agence de notation Moody's qui a décidé d'abaisser la note de solidité financière tout en l'assortissant d'une perspective «négative», ce qui suggère que l'agence de notation envisage de la dégrader encore à moyen terme.

«La notation de Tesla reflète les faiblesses dans le rythme de production du Modèle 3» mais aussi la pression financière qui pèse sur le constructeur.

L'entreprise va devoir encore emprunter plus de 2 milliards de dollars pour éviter de se retrouver à court de liquidités alors que Tesla n'a jamais gagné d'argent depuis sa création.