Le 26 mai 1938 était posée la première pierre de l'usine de Wolfsburg, lieu du siège social de Volkswagen, par Adolf Hitler, un anniversaire que le constructeur automobile allemand entend ignorer, au contraire de la ville de Basse-Saxe qui lui doit son existence.

«Il s'agissait d'une fête purement de propagande nazie», se justifie un porte-parole du groupe en parlant de cette journée 75 ans plus tôt. C'est sous le Troisième Reich que le site a été choisi et le coup d'envoi des travaux a été donné par le dictateur nazi, sous les yeux de 80 000 personnes réunies pour l'occasion.

La municipalité entend cependant célébrer son acte de naissance qui remonte officiellement au 1er juillet 1938. À l'emplacement de la ville actuelle vivaient à l'époque à peine 900 personnes, réparties sur trois villages. Aujourd'hui, Wolfsburg compte plus de 120 000 habitants.

L'histoire de la ville et celle du groupe automobile sont étroitement liées. C'est pour répondre au souhait d'Adolf Hitler de créer une voiture populaire que l'ingénieur Ferdinand Porsche invente la «voiture KdF» --de «Kraft durch Freude», c'est-à-dire «La force par la joie», une organisation de loisirs contrôlée par les nazis-- un modèle connu plus tard sous le nom de Coccinelle.

Le lieu est désigné et la «ville de la voiture KdF» est créée.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'usine se consacre à la fabrication de matériel d'armement, notamment de véhicules militaires, et recourt au travail forcé, un préjudice que l'entreprise tentera de réparer bien plus tard en créant dans les années 1990 un fonds d'indemnisation des travailleurs forcés et en laissant les historiens accéder à ses archives pour exhumer ce sombre passé.

Au sortir de la guerre, le site, bombardé à plusieurs reprises, est sauvé du démantèlement par les Britanniques, qui décident d'y relancer la production de voitures civiles. La Coccinelle est fabriquée en série. En 1955, elle atteint le million d'unités produites.

Puis le groupe s'internationalise et se diversifie, la Coccinelle est bientôt suivie d'autres modèles phare tels que le Combi, la Golf et la Passat.

Volkswagen met successivement la main sur plusieurs concurrents tels Audi, Seat, Skoda, Bentley ou encore Porsche, arraché au terme d'une bataille acharnée. Aujourd'hui, le groupe compte 12 marques, ce qui lui permet d'être présent sur tous les marchés mondiaux et sur tous les segments (voitures bon marché, haut de gamme et de luxe, mais aussi camions avec MAN et Scania et motos avec Ducati), et il emploie au total quelque 550 000 personnes.

Détenu majoritairement par la famille Porsche-Piëch, le géant automobile l'est aussi par l'État régional de Basse-Saxe qui dispose d'une minorité de blocage lui permettant de défendre les intérêts des employés dans la région.

Grâce à la présence du siège de Volkswagen, où travaillent 50 000 personnes, Wolfsburg est la commune de Basse-Saxe qui encaisse les plus importantes recettes liées à la taxe professionnelle.

L'ouverture de l'«Autostadt» --ou «cité de l'automobile»-- par le groupe en 2000 a doté la ville de plusieurs musées consacrés aux marques du mastodonte, qui est par ailleurs propriétaire du club de football de première division VfL Wolfsburg.

«VW est Wolfsburg», dit la maxime. À juste titre. Les habitants n'appellent-ils pas parfois affectueusement leur ville «Golfsburg» --d'après le nom du modèle vedette de VW ? La cité vit presque entièrement au rythme des trois huit et tourne au ralenti quand l'usine ferme en été. Cette relation étroite sera retracée pour le jubilé dans une exposition au Musée municipal.

Aller à Wolfsburg, c'est entrer dans les coulisses du premier constructeur européen, sentir la vibration des presses qui s'activent, mais aussi remarquer ce qui est absent. Contrairement aux agglomérations avoisinantes, cette ville n'a ni églises anciennes, ni maisons à colombages, ni villas bourgeoises du XIXe siècle. Seule sa forêt a plus de 75 ans.