Volkswagen a triché et le diesel, déjà contesté, pourrait trinquer: la fraude du géant automobile allemand donne une nouvelle vigueur aux critiques de ce carburant défendu par les constructeurs au nom de la lutte contre le réchauffement climatique.

Sollicités par l'AFP, des fabricants d'automobiles faisaient profil bas jeudi sur les voitures au gazole, six jours après le début de l'affaire Volkswagen qui a acculé son PDG Martin Winterkorn à la démission.

Alors que le scandale concerne la falsification des émissions d'oxydes d'azote (NOx) de 11 millions de voitures diesel du groupe Volkswagen, l'ancien patron de Renault, Louis Schweitzer, a laissé transparaître l'inquiétude du secteur de voir ce carburant déclaré coupable par association.

«Ce qui serait désastreux, c'est de conclure que le diesel doit mourir», a déclaré M. Schweitzer, cité jeudi dans le journal français Les Échos.

Un pas déjà franchi par certains responsables politiques: «Le diesel propre, ça n'existe pas!», s'est écriée cette semaine Emmanuelle Cosse, chef du parti écologiste français EELV, en réclamant «une interdiction du diesel (en France) d'ici 2025».

«Ce scandale pourrait bien constituer un tournant dans l'histoire de l'automobile. Les hybrides et les technologies électriques (...) pourraient en être les bénéficiaires», estimait mercredi dans un éditorial le Times de Londres.

L'attitude des autorités en question 

«Le diesel est dans le collimateur des autorités et notamment de certains activistes écologistes, et le cas Volkswagen ne va pas arranger les choses, il risque d'exacerber ce ciblage», commente à l'AFP Meissa Tall, du cabinet de consultants Kurt Salmon.

Mais cet expert du secteur automobile prévient que le choix des consommateurs entre diesel et essence dépendra aussi de l'attitude des législateurs. «Ce qui a beaucoup favorisé le comportement d'achat (des diesel), ce sont les subventions» dont ce carburant a bénéficié depuis des années, fait-il valoir.

L'affaire a éclaté trois semaines après l'entrée en vigueur des nouvelles normes de dépollution européennes «Euro 6» qui imposent des seuils plus stricts de NOx (monoxyde et dioxyde d'azote).

Et les constructeurs automobiles européens, fédérés par l'organisme ACEA, assurent que les véhicules diesel, qui émettent moins de CO2 que leurs équivalents à essence, sont indispensables pour atteindre les objectifs de 95 g par kilomètre à l'horizon 2020.

«Tout signe politique sur une volonté de faire disparaître les moteurs diesel de l'éventail disponible pour atteindre les objectifs moyens de CO2 à travers les gammes se ferait au détriment de la capacité des constructeurs à atteindre les objectifs actuels», avait plaidé en juin le PDG de Renault et président en exercice de l'ACEA, Carlos Ghosn.

Mettre les anciens diesels et les nouveaux moteurs Euro 6 «dans le même panier est injuste vis-à-vis des efforts» déployés par les constructeurs pour rendre ces moteurs moins polluants, avait-il protesté.

Avant même les derniers développements, la part du diesel dans les ventes de voitures neuves en Europe tendait à décroître: de 55,2% en 2011, elle est passée à 53% en 2014, selon l'ACEA.

En France, pays bien plus «diésélisé» que la moyenne, elle atteint quelque 58% en 2015 contre 77,3% en 2008, les normes Euro 6 ayant conduit des constructeurs à abandonner les diesel pour leurs plus petits modèles.

S'en prendre aux diesels neufs n'a pas de sens, plaident des constructeurs, alors que c'est selon eux le parc actuel qui pose problème. Les plus de 250 millions de voitures particulières circulant dans l'Union européenne ont près de 10 ans en moyenne, selon l'ACEA. Et 41% d'entre elles roulent au gazole.